Boulevard de la mort (2007) de Quentin Tarantino avec Kurt Russell

 

Si je voulais être méchant (ce n’est pas mon style !) et attaquer d’emblée par une petite polémique ; je dirais que Tarantino est le Christophe Honoré américain. Comme lui, il se contente désormais de dupliquer les films du passé en tentant de leur donner une petite connotation contemporaine. Maintenant que je vous ai bien fait bouillir, précisons que l’auteur de Pulp fiction se situe à des coudées au-dessus d’Honoré et cela pour deux raisons. La première, c’est qu’il a la cinéphilie beaucoup moins snob et qu’on sent toujours plus chez lui la passion de l’adolescent que la volonté d’épater les mondains. La deuxième, c’est que Tarantino refait des films de genre. Or ce cinéma de genre fonctionne, par essence, sur des stéréotypes et il n’y a donc aucun inconvénient à se les réapproprier puisqu’ils sont toujours opérants (tandis que de la Nouvelle Vague, Honoré ne retient que quelques tics formels qu’il régurgite scolairement et de façon totalement artificielle).

Boulevard de la mort joue donc sans complexe la carte du film de « drive-in » avec son cascadeur tueur qui poursuit en voiture de jolies donzelles décervelées pour les mettre en pièces. Scénario basique mais construit sur un dispositif assez malin (nous y reviendrons), hommage appuyé au cinéma d’exploitation qu’adule Tarantino et qu’il va jusqu’à imiter dans la texture de l’image (les sautes de pellicules au moment des raccords, la photo très 70’, l’utilisation du zoom). D’après moi, Boulevard de la mort est, après Kill Bill, ce que fut Mars attacks après Ed Wood dans la filmographie de Tim Burton : une volonté de réaliser une véritable série Z après un grand film réflexif sur leur amour commun pour le cinéma bis.

Certes, Kill Bill, sans doute le plus grand film du cinéaste, était déjà un film de genre mais qui parvenait à dépasser tous les styles convoqués. On pouvait y voir à la fois un hommage, une réflexion d’un cinéphile sur le cinéma l’ayant nourri mais sans que cette inspiration se fasse au détriment d’une vraie richesse narrative ou des personnages construits (Uma Thurman, c’est quand même autre chose que Kurt Russell, même si il est très bien !)

Boulevard de la mort ne possède pas cette ampleur et se révèle beaucoup plus simple : une équipe de filles en bagnole et un tueur à leurs trousses avec une structure en boucle puisque la deuxième partie semble reprendre la première avec de légères variations : photo plus soignée aux couleurs plus contrastées et plus vives, filles plus « viriles » (elles aiment les mêmes films que Tarantino, en particulier le Point limite zéro de Richard Sarafian, grande référence du film), etc. (curieusement, ce dispositif m’a moins fait penser aux films de genre qu’à Une sale histoire d’Eustache). Je n’ai lu pour l’instant qu’une seule critique de ce film, celle de Télérama, mais en feuilletant d’autres revues, je me rends compte que les zélateurs du film vont délirer sur cette astuce scénaristique.

Voir dans ce dispositif un parangon de la modernité me paraît exagéré. Le film m’a paru beaucoup moins emballant d’un point de vue narratif que ne le furent Jackie Brown ou Kill Bill et Tarantino ne tire pas grand-chose de ce dispositif si ce n’est l’idée, assez illustrative, que les films de « drive-in » sont construits sur cet éternel retour des mêmes stéréotypes, déclinables à l’infini.

Pour résumer la construction des deux parties de boulevard de la mort, nous observerons qu’elles se composent dans un premier temps d’une longue séquence dialoguée, plutôt brillamment (marque de fabrique du cinéaste depuis Reservoir Dogs) où les filles se crêpent le chignon ; puis d’une course-poursuite entre elles et notre cascadeur bas du front.

Le résultat est brillant (franchement, on ne s’ennuie pas une seconde et Tarantino reste un virtuose de la caméra) mais m’a néanmoins paru d’une abyssale vacuité. De plus, j’ai retrouvé dans ce dernier opus ce qui m’agaçait un peu dans ses deux premiers films : une manière de jouer au petit malin et d’afficher sa cinéphilie déviante comme quelque chose de très « tendance » (un peu à la manière des bobos prisant les 33 tours !). Vous remarquerez que les personnages ne parlent que de ça : comment être « cool », comment se donner des frissons pour « déconner », sans parler du « look » de ses potiches vulgaires censées incarner l’essence de la féminité d’aujourd’hui. Ceux qui parlent de grand film « féministe » me font marrer. D’une part parce que Tarantino filme des personnages féminins bêtes à manger du foin, d’autre part parce que je conseille à ceux qui pensent ainsi de revoir le Faster pussy cat, kill !kill ! de Russ Meyer (cinéaste cité au générique de fin du film. Les deux meilleurs moments du film sont d’ailleurs les génériques !) pour constater que Tarantino n’a rien inventé et qu’il se contente de puiser largement dans ledit film (et dans ceux de Robert Lee Frost, entre autres).

Bon, je le répète : je surjoue ici la sévérité parce qu’il me semble que l’accueil réservé à ce film me semble un peu disproportionné. A côté de cela, c’est un pur exercice de style, très virtuose, qui se regarde avec un vrai plaisir. Entre Gomez et Tavarès 2 et Shrek 3, y a pas à tortiller : c’est Tarantino qu’il faut préférer.

De là à en faire le film de l’année…

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