La dernière vague (1977) de Peter Weir avec Richard Chamberlain

 

Bien que ce soit des cinéastes que je ne place absolument pas sur le même plan, je pourrais faire le même genre de remarques à propos de Weir que celles que j’ai émises à propos de Bresson : voilà deux hommes dont j’aime beaucoup certains films mais qui ne me conquièrent pas toujours. Pour Weir, une commodité serait de séparer arbitrairement ses films australiens (que d’aucuns jugeront les meilleurs) et ceux qu’il a tournés aux Etats-Unis (les mêmes les trouvant moins bons). Or les choses me paraissent un peu moins schématiques : autant certains films américains de l’auteur me semblent totalement aboutis (The Truman show), autant une œuvre australienne comme Les voitures qui ont mangé Paris a très mal vieilli et se révèle aujourd’hui complètement imbitable ! A côté de cela, il est vrai que Pique-nique à Hanging Rock reste sans doute le plus beau des films de Weir et que certains titres yankees, malgré la nostalgie de mes années lycée, doivent être difficilement supportables à la revoyure (le cercle des poètes disparus, Greencard).

Où se situe La dernière vague dans cette œuvre inégale ? Entre les deux, mon capitaine ! Je persiste à ne pas considérer ce film comme le chef d’œuvre du siècle mais il est également difficile de nier que ce mélange de fantastique et d’ethnologie fonctionne toujours pas mal.

A Sydney, alors que d’étranges phénomènes climatiques perturbent la météo, un jeune aborigène est tué et cinq autres sont inculpés pour meurtre. L’avocat David Burton (Richard-les oiseaux se cachent pour mourir- Chamberlain) prend leur défense et se plonge dans la culture aborigène pour tenter de découvrir si ce meurtre n’a pas un rapport avec une ancestrale loi tribale. Parallèlement, il est assailli par d’étranges visions qui ne sont pas sans rapport avec son affaire…

Durant sa période australienne, Peter Weir fut le cinéaste des crises de civilisation. Dans les voitures qui ont mangé Paris, il dressait un tableau très noir d’une civilisation courant à sa perte et noyée par les déchets industriels. Pique-nique à Hanging rock, c’était la voix de la nature reprenant soudain le dessus sur une éducation trop lisse et trop policée. Dans la dernière vague, c’est la culture aborigène qui ressurgit comme inconscient de la civilisation anglo-saxonne. Tout le film est rongé par cette culpabilité de l’homme blanc à l’égard des peuplades indigènes qu’il a décimées.

La réussite du film vient de la manière dont Weir distille l’angoisse par petites touches, en jouant la carte de la suggestion. Avec une économie de moyens assez remarquable, il parvient à créer un climat lourd et anxiogène (comme on dit aux Inrocks !). Ce sont d’abord ces phénomènes météorologiques étranges : orage de grêle alors que le ciel reste limpide, pluie de grenouilles, averses noires… L’angoisse reste, dans un premier temps, diffuse et le cinéaste ne laisse échapper les informations qu’au compte-gouttes.

Puis ce sont les visions de Burton : un pierre sculptée, des figures aborigènes qui hantent son sommeil et cette impression de faire des rêves prémonitoires…

De cette confrontation entre deux cultures opposées, Weir tire une fable pessimiste où l’avenir de la civilisation semble bien compromis. Le film reste donc très intéressant mais me semble quand même assez en deçà de Pique-nique à Hanging rock. La mise en scène est tout à fait correcte (le cadre est souvent inventif et la composition des plans assez soignée) mais elle ne provoque pas cet envoûtement ouaté propre au film susnommé. La dernière vague est un peu à l’image de son acteur principal, le fadasse Richard Chamberlain : c’est une œuvre qui manque un peu d’énergie et surtout de charisme.

Difficile de dire ce qui lui manque vraiment (un peu plus de radicalité ? un peu plus de folie ?) mais difficile également de la rejeter car le spectateur se laisse assez facilement captiver par l’habileté du cinéaste.

A voir, donc, même si mon enthousiasme reste modéré…

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