Saw (2004) de James Wan avec Danny Glover

 

La diffusion de Saw tombe à pic : elle va permettre de donner un petit coup de jeune à mon bien-aimé lectorat (Ouuh ! le vilain démagogue !) et, d’autre part, prouver que je ne suis pas seulement un adepte de Pollet et Rohmer mais que j’aime également le cinéma fantastique et/ou d’horreur. J’avoue pourtant moins suivre l’actualité du genre, comme j’ai pu le faire lorsque j’avais quinze ans. Je ne connaissais la saga Saw que pour de très mauvaises raisons, à savoir l’interdiction aux mineurs de l’opus 3. A part ça, j’ignorais tout de ce film.

Or je dois confesser d’emblée que j’ai pris un certain plaisir à découvrir le premier épisode de la série, réalisé par James Wan (dont c’était, sauf erreur le premier film).

Lorsqu’on est un adepte de la grande littérature, cela n’empêche pas qu’on puisse reconnaître avoir été captivé par un polar de série, même s’il n’est ni forcément très profond, ni parfaitement écrit. Avec Saw, c’est exactement ça : difficile de considérer ce film de série comme du grand cinéma (il est plein de défauts, nous allons y revenir), mais difficile aussi de ne pas avouer avoir été happé par un scénario retors très astucieux et un sens du rythme jamais pris en défaut.

Dès la première scène, où l’on découvre les héros du film enchaînés dans une pièce glauque où trône un mystérieux cadavre, la mayonnaise prend (pour parler vulgairement). Un tas de questions assaillent le spectateur (qui sont-ils ? où sont-ils ? pourquoi sont-ils là ?...) et James Wan agence assez diaboliquement les ficelles de son récit.

Avec son tueur en série qui met en scène de cruels jeux conduisant la plupart du temps à la mort, James Wan nous embarque dans un suspense horrifique qui évoque à la fois l’infâme télé-réalité contemporaine et un Fort Boyard trash (les victimes du tueur doivent se frayer un chemin dans un labyrinthe en barbelés, trouver des clés qui les délivreront d’un « masque tueur »…).

Dans la première partie du film, le cinéaste joue sur le huis clos et distille une véritable angoisse en ne distribuant les informations qu’avec parcimonie.

Peu à peu, des flash-back viennent rendre plus claire la situation et là, force est de constater que ce n’est pas toujours aussi bon. Disons que James Wan a parfois la mauvaise idée de s’inspirer un peu trop du détestable David Fincher : si le scénario peut faire songer de loin au très médiocre The game, c’est surtout lorsqu’il abuse d’effets visuels grandiloquents (la photographie jaune/ verdâtre lorsqu’il filme les anciens méfaits du tueur) que sa déplorable influence se fait sentir.

Plus le film est sobre (lorsqu’il revient dans la geôle de fortune des deux héros), meilleur il est. Quand il quitte cette pièce, ça devient un peu moins bon et on frôle même la catastrophe lors de certaines scènes finales d’une rare laideur (la bagarre entre le flic noir et l’homme qui séquestre la femme et l’enfant). De la même manière, Wan perd un peu de sobriété sur la fin et se laisse aller à des débordements grand-guignolesques dont il aurait pu se passer.

Mettons qu’il ne s’agissait là que de quelques erreurs de jeunesse et ne boudons pas notre plaisir : avec ses revirements inattendus et ses incessants coups de théâtre ; Saw tient en haleine pendant 1h 40. De plus, le cinéaste fait preuve d’une certaine cruauté dans la violence (le kidnappeur qui fait battre de plus en plus rapidement le cœur d’une fillette en pointant un revolver sur la tête de sa mère) qui nous renvoie aux grandes heures du cinéma d’horreur des années 70 (je ne compare pas, évidemment : Saw est un film de série et l’on ne trouve aucune dimension politique comme dans Massacre à la tronçonneuse, La colline à des yeux ou Zombie).

Alors que le cinéma fantastique et/ou d’horreur est devenu largement parodique et destiné à être consommé entre pubs et pop-corn ; c’est avec un certain plaisir qu’on découvre ce film relativement méchant, assez pessimiste (Wan aurait pu aller plus loin mais il refuse le happy-end) et qui ne se départit jamais de son sérieux.

Saw est donc un vrai film du genre, pas sans défauts, mais qui prouve que les américains sont les meilleurs pour ce type de films et qu’ils savent se renouveler avec une certaine modestie (ils jouent avec les mêmes ficelles et ne se croient pas plus malins que le genre, comme c’est souvent le cas en Europe : Cf. le pénible Calvaire). 

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