Du côté du "teen movie"
Seize bougies pour Sam (Sixteen candles) (1984) de John Hugues avec Molly Ringwald
Le seul nom de John Hugues suffira sans doute à faire revenir aux lecteurs de ma génération une flopée de souvenirs cinéphiliques. Preuve que ce ne sont pas nécessairement les grands cinéastes qui marquent les esprits d’une génération ! Pensez quand même qu’Une créature de rêve fut le premier film que je pus aller voir seul au cinéma. Et je ne parle même pas de Breakfast club, que Christelle (vous avez remarqué que toutes les filles nées au début des années 70 s’appellent Christelle, Christine, Stéphanie ou Sandrine ? Est-ce pire que les Léa, Théo, Hugo d’aujourd’hui ? Je n’en suis pas certain…) me fit découvrir en me prêtant sa vieille VHS et qui devint notre film fétiche avec The Wall d’Alan Parker (que j’aie pu aimer un film d’Alan Parker tend à prouver que l’adolescence est une période de démence totale !).
Bref, John Hugues, c’est LE docteur ès-« teen movie », le grand gourou des amourettes lycéennes et l’oracle des dépucelages romantiques.
Si je ne veux en aucun cas renier mon passé, je dois également vous prévenir que j’ai horreur de cette nostalgie kitsch dans laquelle barbotte un certain nombre de mes congénères trentenaires. Et je ne trouve rien de plus pathétique que ces soirées à se remémorer des musiques de génériques de séries télévisées nulles ou à verser une larme sur ces pitoyables ringardises dont la sorcière Dorothée nous abreuvait quand nous n’étions que d’innocents enfants ! Et je ne trouve rien de plus insupportable que cet état d’esprit contemporain infantile que résument parfaitement bien dans leur chanson les excellents Malpolis : « Comme, socialement, ça le fait chier d’aimer que des trucs jugés ringards : il dit que c’est du second degré. Le samedi soir il sort en boite avec ses amis et sa femme, des cadres quadra qui s’éclatent sur Candy et Capitaine Flam. »
Tout ça pour en arriver à Seize bougies pour Sam, archétype du « teen movie » que Hugues tourna à la même époque que Breakfast club et avec la même interprète (la craquante Molly Ringwald).
Samantha est bien malheureuse aujourd’hui. C’est son anniversaire, elle vient d’avoir 16 ans. Ca devrait être un grand jour mais sa sœur aînée se marie et personne ne songe à lui souhaiter son anniversaire. De plus, elle a craqué sur le play-boy du lycée alors qu’il sort avec la plus belle fille du coin et qu’il ne lui a jamais adressé le moindre regard…
Vous vous doutez certainement de la fin de cette histoire (faut dire que comme le montrait fort bien le délicieux Sex academy, les cinéastes du genre ont le don de prendre des comédiennes irrésistibles dans le rôle de la fille « banale » alors que la reine du bal suinte la vulgarité de l’esthéticienne décolorée de province !) et ces quelques lignes vous aurons permis sans le moindre mal d’évaluer le potentiel de sottise de ce film.
Sans la moindre idée de mise en scène (Ah, si, une ! le cinéaste cadre en gros plan deux gars qui se font les muscles sur une barre fixe. Pendant leur dialogue, le champ s’élargit à mesure que la caméra s’éloigne et le spectateur réalise que leurs pieds touchent par terre. Classique mais efficace !), Hugues déroule ses kilomètres de guimauve et nous écoeure assez rapidement.
Finalement, le « teen movie » est à l’image de l’adolescence : lorsqu’on est dedans, on le ressent comme quelque chose de très profond et d’indispensable et lorsque les années ont passé, on ne voit plus que d’insupportables péteux avec du gel dans les cheveux (même si ce n’était pas encore la mode dans les années 80 !)
Seize bougies pour Sam ne présente donc pas le moindre intérêt même si je dois reconnaître avoir ri à quelques gags idiots. Mais ce qui m’a le plus frappé, c’est de constater que bien avant American pie et ses resucées, John Hugues frappait déjà amplement sous la ceinture et donnait volontiers dans le gag scato (le grand-père après qui il faut éviter de passer aux toilettes, la mariée importunée par des règles douloureuses pendant la cérémonie nuptiale…Très léger, isn’t it ?)
S’il allait au bout de sa lourdeur (comme le faisait, répétons-le, Sex academy, bien plus parodique et plus drôle), John Hugues arriverait à nous séduire. Là, il a plutôt tendance à nous bercer et seul l’étonnante présence d’un John Cusack tout poupon parvient à nous tirer de notre torpeur.
Les fans du « teen movie » ne me pardonneront sans doute jamais cet affront mais il fallait que les choses soient dites…