Histoire d'O, histoires de Q
L’histoire de Richard O. (2006) de Damien Odoul avec Mathieu Amalric
Marco Bellocchio le montre de fort belle manière dans son Metteur en scène de mariages : seul l’acte créateur peut faire office de grain de sable dans les rouages de la médiocrité ambiante et la pesanteur des institutions (l’Eglise, le mariage…). Si l’Art possède encore un peu cette vertu dissolvante (espérons-le !), le cinéaste italien montrait également l’ambiguïté de ce geste créateur, élément possible d’une réinvention du monde mais aussi incroyable pouvoir de manipulation (devant la caméra de son personnage, les individus deviennent des pantins totalement soumis à son pouvoir et obéissants à ses ordres).
Or chez Odoul, il ne reste que cet aspect manipulateur. Repéré jusqu’ici pour ses chroniques rurales austères (c’est du moins l’image que je m’en fais, n’ayant jamais vu l’un de ses films), que ce soit Le souffle ou En attendant le déluge ; Odoul joue ici, à travers le personnage de cinéaste qu’incarne (plutôt bien mais dans son style habituel de Pierrot lunaire et funambulesque) Mathieu Amalric, de son statut de cinéaste pour mettre à sa botte toutes les femmes. C’est le rustique qui, monté soudainement à Paris, réalise quel pouvoir lui confère sa profession et qui en abuse de manière totalement indécente.
Richard O., affublé d’un grand échalas en guise d’assistant, tourne des essais vidéo qui lui permettent d’assouvir son insatiable désir pour les femmes. L’histoire de Richard O. se limite à cette quête de chair fraîche que le cinéaste filme avec une certaine frontalité, en ne reculant pas devant les actes sexuels non simulés. C’est d’ailleurs sur cette caractéristique qu’est vendu ce film que rien ne distingue, finalement, d’un banal porno.
La représentation du sexe à l’écran est une question passionnante et j’avoue avoir été séduit ces dernières années par un certain nombre de propositions (Catherine Breillat, Larry Clark, Jean-Claude Brisseau, Tsai Ming-Liang…). On peut penser ce que l’on veut de ces cinéastes mais on ne peut pas nier des partis pris esthétiques évidents. Or Odoul le dit lui-même : le seul principe qui l’a guidé pour faire ce film, c’est d’éviter les gros plans « propre à la mécanique du porno ». Soit ! Mais sans plus d’idées de mise en scène, cela reste toujours du porno ! Un peu plus « respectable » si l’on veut, mais beaucoup plus hypocrite. Car rien ne distingue L’histoire de Richard O. des films de ce genre hormis l’absence des gros plans anatomiques : dialogues orduriers, mâle dominateur devant qui toutes les femmes se pâment, fantasmes féminins qui évacuent tout le sexuel au profit d’un exhibitionnisme très « contemporain » et atterrant de vulgarité satisfaite (fantasmes de viols, de copulations expresses dans une cage d’escaliers…), plus une trace de complicité amoureuse, de désirs partagés, de caresses ludiques…
Une fois seulement (lorsque Amalric et sa fiancée « officielle » se retrouve au lit) on se dit qu’un peu de trouble et d’émotion vont passer et nous consoler de ce plat étalage de viandes. Et là encore, Odoul n’ose pas jouer la durée (n’est pas Breillat qui veut !), coupe toujours au mauvais moment et se montre incapable de donner un peu de chair à ses ébats.
Le pire, c’est que ce film se veut très « branché » et qu’il fait gondoler une bonne partie de la critique bien-pensante. Croyez le si vous le voulez mais c’est censé être drôle ! Si mon honnêteté me pousse à avouer avoir souri lorsque Amalric se fait dérouiller par une vietnamienne hystérique (qui en a marre des clichés que ses yeux bridés génèrent et qui affirme être totalement française et parler français, ce qui est aller un peu vite en besogne tant son langage, constellé de « putain » à chaque phrase écorche les oreilles !), le reste est consternant et n’appelle pas plus de commentaires.
C’est tout simplement nul, dénué de toute idée de cinéma et fort déplaisant dans le propos. Quand à la notion d’érotisme, n’en parlons même pas ! Revoyez plutôt, sur un thème assez analogue les magnifiques Anges exterminateurs de Brisseau ou le génial l’amateur, court-métrage d’Olivier Smolders qui surpasse très, très largement ce petit produit choc et branchouille à oublier le plus rapidement possible…