Dracula, prince des ténèbres (1966) de Terence Fisher avec Christopher Lee, Barbara Shelley

 

Avec Dracula, prince des ténèbre, Terence Fisher fait revivre pour la troisième fois à l’écran l’un des mythes les plus féconds du cinéma fantastique (bon sang ne saurait mentir !). Pourtant, cet opus n’a pas une grande cote auprès des cinéphiles et même un inconditionnel du cinéma de Fisher comme Jean-Pierre Bouyxou écrit, à propos de Barbara Shelley, que l’actrice « n’a guère plus de chance avec Fisher, car ce sont deux de ses plus faibles films qu’elle interprète : The gorgon (…), tourné en 1963 et Dracula- Prince of darkness (Dracula, Prince des ténèbre), tourné en 1965 ».

Je veux bien admettre que cette œuvre souffre d’un scénario un brin convenu : rien ne surprendra les aficionados du comte Dracula. Mais une fois cette réserve faite, le film est tout à fait respectable et non dépourvu d’une vraie beauté.

Si conventions il y a, il ne faut pas oublier non plus que cela fait partie, en quelque sorte, de l’image de marque de la Hammer.

Je rappelle pour les plus distraits de mes lecteurs qui auraient la naïveté de croire qu’il existe des choses plus intéressantes que le cinéma fantastique britannique (franchement, vous croyez à la supercherie du « Grenelle de l’environnement » ou aux hypothétiques compétences politiques de Rachida Dati ? Allez, concentrez-vous plutôt sur les exploits sanglants de Christopher Lee !) que la Hammer fut une société de production anglaise qui rayonna sur le cinéma européen à partir du milieu des années 50 en remettant au goût du jour les grands mythes fantastiques (Dracula mais aussi Frankenstein, la momie et autres loups-garous…). Figure de poupe de cette maison, Terence Fisher fut sans doute le plus talentueux des réalisateurs de l’écurie où s’illustrèrent également des gens comme John Gilling et Val Guest.

Fidèles aux mythes qu’ils recréèrent, les films de la Hammer se doivent de respecter un certain nombre de codes. C’est une sorte de contrat tacite avec le spectateur et c’est aussi ce qui peut décevoir un peu dans Dracula, prince des ténèbres : le classicisme presque plat de la narration (l’arrivée au château malgré les avertissements d’un prêtre excentrique, la résurrection de Dracula et la contamination de la belle Helen…).

Plus que les ficelles usées du scénario, c’est le soin qu’apporte Fisher à sa mise en scène qui séduit. A ce titre, je trouve la première partie du film assez remarquable. Le découpage est très classique mais le cinéaste soigne la couleur, sa lumière et ses décors. L’objectif est de faire monter la tension jusqu’à la première apparition de Dracula et chaque objet, chaque cadrage semblent agencés pour installer une atmosphère lourde et anxiogène (comme on dit dans la presse spécialisée !). On retrouve ici la beauté gothique des films de Fisher : vieille demeure poussiéreuse, personnages mystérieux (le fidèle serviteur), nuits orageuses…

De la même manière, Fisher réussit la résurrection de son Dracula (à qui l’infatigable Christopher Lee prête sa silhouette élégante et ses allures de grand seigneur) et parvient à nous faire ressentir son éternel potentiel de séduction (si le vampire reste un mythe aussi fascinant, c’est que cette créature dégage un incroyable érotisme). Les femmes tombent comme des mouches (au deux sens du terme) face à ce prince de la nuit…

Lorsqu’il s’agit de boucler le film et de se débarrasser de Dracula, le film devient un peu plus faible et délaisse son atmosphère lugubre au profit de rebondissements cousus de fil blanc. Seule la mort de Dracula offre une petite originalité (on sait que d’habitude il est tué à cause des premiers rayons du jour ou d’un pieu dans le cœur : ce n’est pas le cas ici…).

Un peu plus sanglant que le cauchemar de Dracula,  Dracula, prince des ténèbres est une œuvre mineure mais stylée, sans doute pas inoubliable mais très agréable à regarder…

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