On ne devrait pas exister (2006) de et avec HPG et Elsa Steyeart, Bertrand Bonello

 

Ces dernières années, nous avons vu débarquer sur les écrans de cinéma ce genre que l’on désigne sous l’appellation d’« autofiction ». Déjà que nous devions supporter la nullité teigneuse d’une Christine Angot en littérature, voilà qu’il faut désormais souper de cette supercherie au cinéma. Je n’ai pas vu le Tarnation de Caouette ni le Peau de cochon de Katerine (mais connaissant le bonhomme, ça doit être un monument de vacuité branchouille !) mais j’ai déjà un mauvais souvenir de l’indigent Dancing de Tridivic et Co.

Je ne rejette pas, à priori, l’écriture intime à condition qu’il y ait, au-delà du narcissisme de ce type de projet, un véritable style pour transcender l’étroitesse du sujet. Il ne s’agit pas juste de prendre une petite caméra DV et de filmer son quotidien pour réaliser quelque chose d’intéressant, a fortiori une œuvre d’Art. Seuls l’écriture et le style le permettront et distingueront le flamboyant journal intime de Nabe des platitudes ineptes d’Angot, le magnifique Le filmeur de Cavalier de ce ridicule On ne devrait pas exister d’HPG.  

HPG, pour ceux qui ne le connaîtraient pas, vient du cinéma pornographique où il s’est distingué comme acteur et comme réalisateur (beaucoup de films tournés en amateur).  Mais HPG n’est pas que ça : c’est une icône de notre misérable modernité, un type à qui la cinémathèque a consacré plusieurs séances et qui plaît tant à nos critiques qui n’en peuvent plus de se sentir subversif en portant aux nues un anonyme gros beauf venu du porno. Allez voir le site du bonhomme et lisez les critiques d’On ne devrait pas exister : c’est édifiant1 . Mais vous savez ce que c’est : le sexe, c’est branché à condition qu’il s’inscrive dans une véritable économie de marché. Si vous osez parler de plaisir, de désir et de sensualité en oubliant que tout ça est d’abord monnayable, vous risquez de vous retrouver devant un tribunal (voir ici et ) !

HPG veut devenir « respectable ». Il se met donc lui-même en scène comme la vedette d’une série intitulée Condoman, tourmentée par le désir de devenir un « vrai » acteur et d’être reconnu par ses pairs (non, je ne ferai pas de mauvais jeu de mots ce soir !). Le voilà donc sur une scène de théâtre en train de hurler son désespoir et son désir de devenir un comédien. Le voilà également qui vient consulter le cinéaste Bertrand Bonello (qui l’a fait tourner dans le pornographe, beau film par ailleurs) et prendre des conseils de comédie.

Je ne sais pas ce qui est le plus agaçant dans On ne devrait pas exister : l’absolue indigence d’une mise en scène qui ne se départit en rien des films pornos qu’a du tourner HPG (image vidéo constamment laide, cadre inexistant, ombres portées des micros sur les murs…), la consternante hystérie dans lesquelles barbotent les personnages pendant 1 h 30 (dire que quelqu’un a osé comparer ce machin à Cassavetes !!!!!) ou alors cet espèce de mépris satisfait  qui suinte du regard de l’acteur réalisateur. Tout le film, qu’il traverse les 99% du temps en slip (ce qui n’est pas forcément un spectacle très ragoûtant !), n’est que la morne complainte de la « victime » d’un système forcément injuste quand il ne reconnaît pas ses enfants égarés et un chantage au vécu. HPG ne cesse d’injurier les apprentis acteurs qui passent les castings avec lui en se moquant de leurs « gueules de théâtreux ». Le message est clair : moi je ne sais peut-être pas jouer mais je suis dans la vie, j’ai vécu (je me drogue donc je suis plus convaincant qu’un acteur qui jouerait le toxico) et je mérite donc ma place dans le monde du cinéma. Ce n’est pas « démocratique » ni « moderne » de me rejeter ! En ce sens, HPG et son film sont totalement des produits de l’époque (celle de la « télé-réalité » où la « célébrité » ne passe plus par le talent ou un « travail » artistique (les moments où le spectateur est censé contempler un véritable « talent » de comédie laissent sceptiques, entre des jeunes actrices pas forcément très convaincantes et une scène finale qui dépasse en pathos tout ce qu’on a pu voir en cent ans de cinéma !) mais par le simple marchandage d’une image.

HPG n’est qu’une image vide et creuse, plutôt antipathique d’ailleurs (mais cela vient peut-être de moi : autant les actrices de films pornos m’inspirent une véritable sympathie compassionnelle –pauvre petites phalènes qui se brûlent les ailes en croyant accéder à une lumière éternelle !- autant j’ai horreur de ces gros beaufs épilés intégralement qui les traitent comme de vulgaires quartiers de viandes !).

Son film porte bien son titre. En fait, même pas : il n’existe tout simplement pas…



1 Un sommet est atteint lorsque le grotesque Séguret (de Libé) écrit  « Dans une France où Le Pen serait président, un gars comme HPG n’existerait pas ». Ce crétin parviendrait presque à nous rendre l’immonde porc nationaliste sympathique !

 

 



 

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