Shakespeare pour les nuls
La mégère apprivoisée (1966) de Franco Zeffirelli avec Elizabeth Taylor, Richard Burton
Bien sûr, il y a le texte de Shakespeare, grand « scénariste » s’il en fut et dont la prose a souvent été une béquille commode pour bon nombre de tâcherons sans imagination. Même dans une version « simplifiée » (Zeffirelli ou le reader’s digest cinématographique !), le texte de La mégère apprivoisée conserve une certaine force.
Bien sûr, il y a le couple Burton/Taylor et il n’est pas désagréable de voir reproduire à l’écran les scènes de ménage qui devaient rythmer leur vie privée. A ce titre, leurs engueulades sont assez épiques et la fameuse scène du mariage est plutôt amusante (ce baiser qui empêche Katharina de finir sa phrase (« I will not ») lorsqu’elle s’apprête à refuser d’épouser Petruchio). Les deux stars sont à l’aise avec la phrase shakespearienne et ils sont bons. Pour ne rien gâcher, Elizabeth Taylor est sans arrêt affublée de décolletés pigeonnants que mon clavier ne saurait évoquer sans virer immédiatement au vermillon.
Bien sûr, il y a ici un certain « métier » qui fait que la direction artistique de l’ensemble est irréprochable : les costumes sont nickels, les décors luxueux, le cadre soigné…
Mais, mais, mais… Zeffirelli est un bougre de salopiaud qui salit tout ce qu’il touche (je vous recommande cet infernal navet qu’est son adaptation de Jane Eyre avec Charlotte Gainsbourg!). Malgré les bonnes critiques que je suis surpris de lire un peu partout, sa Mégère apprivoisée n’échappe pas à cette règle et elle se révèle assez rapidement complètement amidonnée. Au bout d’un quart d’heure, l’académisme total de ce film accable le plus bienveillant des spectateurs.
En peinture, ce serait l’exemple parfait de ce qu’on appellerait une « croûte », ce genre de tableaux qui n’impressionnent que les néophytes parce que c’est « bien fait » et d’une préciosité tape-à-l’œil.
La mégère apprivoisée n’est rien de plus qu’une croûte : c’est tout ce que j’ai à dire du film de Zeffirelli !
NB : Si vous aimez Shakespeare, revoyez plutôt les extraordinaires adaptations cinématographiques signées Welles (MacBeth, Othello). Malheureusement, si l’on jette un œil à ce que font du dramaturge les cinéastes contemporains (les atrocités d’un Kenneth Branagh par exemple), on se dit que c’est la tendance « Zeffirelli » qui a gagné…