Madagascar (2005) d’Eric Darnell et Tom McGrath

 

Le cinéma d’animation n’est vraiment pas ma tasse de thé et c’est sans doute pourquoi je l’évoque rarement en ces pages. Je m’y perds d’ailleurs un peu dans tous ces films tournés en 3D qui finissent par se ressembler comme deux groupes de rappeurs et dont les recettes virent désormais au simple procédé (de la grosse épate technologique + de l’humour référentiel pour les adultes et les ados).

Sans être tombé en pamoison devant ces œuvres, je reconnais pourtant avoir aimé (raisonnablement) Monstres et Cie et le monde de Némo. Mais déjà l’âge de glace m’avait ennuyé par sa médiocrité. Avec l’exaspérant Madagascar, on touche le fond pour atteindre les limites de ce cinéma numérique animé.

L’histoire est simple : quatre animaux (le lion Alex, le zèbre Marty, la séduisante hippopotame et une girafe trouillarde) se la coulent douce dans un zoo de New York. Jusqu’au jour où Marty émet le souhait de connaître la vie sauvage et s’échappe de cette prison. Ses trois compères le suivent et de fil en aiguille, ils se retrouveront tous les quatre à Madagascar…

Passons rapidement sur l’aspect « technique » du film qui, au fond, m’importe bien peu et qui semble être l’unique point sur lequel insiste toujours les inconditionnels du cinéma d’animation (« Ah, ouais mais c’est bien fait ! »). Disons le tout net : Madagascar est un film incroyablement vilain, saturé jusqu’à la nausée de couleurs pétaradantes et dont les principaux ressorts comiques reposent d’abord sur les gesticulations outrées des animaux plutôt que sur un vrai travail sur l’espace, les décors et les paysages.

Venons-en plutôt au « fond » du problème : ce film n’est non seulement pas drôle (à moins que vous soyez sensibles aux blagues sur les thermomètres rectaux !) mais il me semble incroyablement cynique dans ce sens qu’il se la joue plus malin que le public qu’il est censé viser (le public enfantin) en plombant son propos de gags référentiels, de parodies de films existants (les chariots de feu et la traditionnelle musique de l’ignoble Vangelis !) et d’un second degré assez désagréable car purement mercantile.

Les intentions des auteurs sont parfaitement claires : faire les poches des bambins en tentant de séduire les parents tout en racolant les ados avec leur sous-culture (les pingouins qui se saluent comme de petites frappes de banlieue, les morceaux musicaux atroces…)

Je songeais avec tristesse que le vieux Walt Disney avait beau être un sinistre boutiquier intoxiquant des générations de gosses avec sa morale lénifiante et ses bluettes, il proposait néanmoins un univers (certes aseptisé et très mièvre) correspondant encore à une certaine idée de l’enfance.

Que dit Madagascar ?

Que c’est bien beau d’avoir des rêves de liberté mais mieux vaut s’accommoder de ses barreaux et profiter de son steak. La vie sauvage, c’est des étrangers pas forcément accueillants, des conditions d’hygiène douteuses et l’impossibilité d’avoir Internet (je ne délire pas : le lion conseille au début les visiteurs du zoo d’aller visiter son site !) 

D’autre part, j’ai rarement vu un film d’animation charriant aussi peu d’imaginaire. Tout l’ « humour » du film repose sur une identification des comportements des animaux avec ceux de l’adolescent « type » selon la voracité des marchands et des publicitaires. Ils parlent donc comme eux, se saluent comme eux et n’ont comme unique fonction que de valoriser ce mode de vie. Le point culminant étant atteint lors de cette scène ignoble où nos bestioles se retrouvent dans une espèce de « rave » au milieu de la jungle avec gros tube mongoloïde et contorsions grotesques de tous ces animaux laids, condensés ! (Les raves étant l’une des manifestations les plus flagrantes de la présence de Satan sur terre avec l’existence du survêtement, du céleri et de François Fillon !).

Madagascar est un film assez déplaisant, plutôt cynique et malheureusement assez symptomatique de notre époque vulgaire et marchande (il s’agit de faire entrer assez tôt les gamins dans un certain moule afin qu’ils deviennent de bons ados clonés pour le marché et la consommation sans fin de saloperies inutiles…)

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