Smiley face (2007) de Gregg Araki avec Anna Faris

 

Après deux séances de rattrapages pour bien terminer l’année 2007, il était plus que temps d’entamer les réjouissances de 2008. N’ayant pas une folle envie de me taper les longs machins de Sean Penn et Ang Lee, et en attendant la salve de films intéressants (sur le papier !) qui débute dès la semaine prochaine (les Coen Bros, Tim Burton puis Kusturica et Hou Hsiao-Hsien ! Du beau linge, quoi !) ; je me suis risqué à aller voir le dernier Araki.

Que dire de cet homme si ce n’est qu’il représente une sorte de parangon du cinéma « indépendant » américain, pour le meilleur et pour le pire. Passons sur The doom generation, film que j’aime plutôt bien mais qui est d’abord un film ultra générationnel  et songeons, pour le meilleur, au beau Mysterious skin où le cinéaste prouvait son tact, sa sensibilité et sa singularité pour aborder un sujet plutôt casse-gueule. A l’inverse, mieux vaut oublier le fatiguant Nowhere, sorte de sous Doom genération hystérique sans le moindre intérêt.

Smiley face se situe malheureusement plutôt dans cette deuxième catégorie de film. Pour parler comme « l’exaltée racaille des cultivés » (Nietzsche) écrivant dans les Inrocks, nous dirons qu’Araki revisite ici le « film de dope » en nous proposant de suivre la journée peu ordinaire d’une jeune femme totalement défoncée.

Jane est une glandeuse ordinaire qui, dès le réveil, se fume son herbe en jouant aux jeux vidéos (dès les premières minutes, un signal arrive aux oreilles du spectateur lambda : « attention ! Film réservé aux nerds »). Lorsqu’elle découvre dans le frigo de splendides pâtisseries qu’a préparées son colocataire, elle ne peut s’empêcher de les dévorer malgré une interdiction en bonne et due forme. Les effets ne tardent pas à se faire sentir : les gâteaux sont des « space cakes » bourrés de cannabis et notre blondinette, sur son nuage, réalise qu’elle a commis une grosse gaffe et qu’elle doit absolument, sous peine de représailles, cuisiner de nouvelles pâtisseries. De plus, elle doit également trouver un certain nombre de billets à remettre à son dealer…

Araki change de registre et se lance donc dans la comédie débridée en nous invitant à suivre les tribulations d’une gaffeuse planant pendant 1h 30 et à supporter les catastrophes qu’elle sème sur son passage. Pourquoi pas ? Sauf que Smiley face me semble relever du pur « cinéma gadget ».

Je sors de ma blouse de docteur ce nouveau concept mais il me semble qu’il qualifie assez bien tout un pan actuel du cinéma « indy » américain, plus préoccupé de ses petites trouvailles visuelles potaches plutôt que de véritable mise en scène. La drogue devenant un bon prétexte pour justifier ces gadgets visuels qui encombrent les films.  De ce point de vue Smiley face trouve parfaitement sa place auprès de Go de Doug Liman, des médiocres Lois de l’attraction d’Avary ou, dans un autre style car il n’est pas question de drogue, d’I love Huckabees de Russell.

Fort de son scénario de camé, Araki s’en donne à cœur joie dans les incrustations kitsch, les effets toc (ce retour en arrière déjà vu chez Avary) et les distorsions sonores attendues (la perception de Jane étant modifiée sous l’effet des substances illicites).

Sorti de ces effets, le film s’avère totalement vain et presque aussi drôle qu’un sketch de Pierre Palmade (c’est dire !) puisque l’humour repose entièrement sur l’idée que son héroïne voit des éléphants roses après avoir trop fumé ! Ce n’est même pas tant la gratuité totale de cette comédie qui agace que cette incapacité à lui donner une forme originale. Dans le genre, le beau After hours de Scorsese était assez gratuit mais cette épopée nocturne parvenait à inventer un nouveau burlesque par un véritable sens du rythme et une mise en scène donnant à la balade du héros des allures de cauchemar halluciné.

Ici, on doit se contenter de suivre les aventures molles d’une fille qui, comme tout fumeur de shit, à le regard d’un veau et l’entrain de tout le troupeau (pour reprendre les mots des Malpolis). Ce n’est pas forcément palpitant même si ma mauvaise foi ne parviendra pas totalement à me faire nier qu’il m’est arrivé de sourire à certains endroits (surtout lorsque l’héroïne se fait tout un film sur son colocataire qui la terrifie et s’imagine qu’il « baise des crânes » !). Le reste n’est que cliché (le « geek » amoureux transi de Jane à qui Araki n’épargnera aucun sarcasme) et laborieux enchaînement de gags pas forcément drôles (Jane qui se casse la gueule dans le bus, bof !).

Pas de quoi s’enthousiasmer, donc…

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