La colonisation des esprits
Les quatre fantastiques (2005) de Tim Story avec Jessica Alba, Chris Evans
Je disais hier que, de part leurs sujets, certains films ne me parlaient pas. Avec Les quatre fantastiques, c’est pire puisque visiblement ce film ne cherche même pas à s’adresser à moi. Parler de film est déjà un grand mot puisqu’il s’agit avant tout d’un produit visant une cible précise, cette cible étant les adolescents de 12 à 17ans !
Au-delà de la majorité, vous n’avez plus rien à faire dans la salle, circulez !
Pour reprendre le terme de Boulet, le film est bel et bien une « daube monumentale ». Que les gamins aiment ce film, ce n’est pas bien grave. Après tout, nous sommes tous passés par là et nous avons adoré dans notre jeunesse des films atroces, des bouses sans nom. Mais ce qui me paraît plus grave aujourd’hui, c’est que j’ai du mal à voir où ces jeunes pourront trouver ensuite une alternative à ces conneries qu’on leur sert à longueur d’émissions de télé et de produits formatés ? Paradoxalement, alors que l’offre semble beaucoup plus large qu’à mon époque, il n’y a plus de véritables endroits où l’individu puisse espérer se forger un goût en dehors des diktats de la consommation (qu’elle soit « industrielle » ou « culturelle » ne changeant finalement pas grand-chose !).
J’ai eu pour ma part la chance de pouvoir bénéficier des derniers feux du Ciné-club de Claude-Jean Philippe et d’un Cinéma de minuit qui ne programmait pas les films à 1heure du matin mais aux environs de 22h30, 23h et de pouvoir rencontrer d’autres films que ceux que je voyais habituellement. J’ai eu la chance d’avoir un grand-père cinéphile qui collectionnait les cassettes vidéos et qui m’a permis de redécouvrir Hawks, Wilder, Bergman ou Fellini.
Je sais bien qu’il existe des chaînes comme TCM ou Cinéma Classic qui font du beau boulot mais qui, s’il n’a pas eu l’occasion de se frotter à d’autres images avant, va aller spontanément se mettre devant un Ozu ou un Welles ?
Qui fera naître ce désir ? C’est d’ailleurs le principal reproche que je ferais aux Quatre fantastiques : c’est un film sans la moindre trace de désir ! Pas de désir de cinéma (le film est visuellement atroce), pas de désir d’offrir au spectateur une petite place dans la mise en scène (on est toujours dans l’intimidation –effets pyrotechniques, débauche d’images numériques- et l’injonction comme ce moment où « la chose » ordonne à des gamins apeurés de ne pas toucher aux drogues), pas de désir de personnages ou d’un minimum de pensée mais juste une volonté d’esbroufe technologique et de vitesse : le film n’est plus un objet sur lequel on peut s’arrêter mais un produit biodégradable, vite vu, vite remplacé par un deuxième épisode de la série que je suppose aussi nul !
Il m’est arrivé de manger à MacDonald : je n’en suis pas mort et je sais encore reconnaître un bon Gevrey-Chambertin d’un Coca-cola. Ce qui m’inquiète c’est lorsque les techniques actuelles de marketing et de distribution empêchent littéralement d’avoir accès à autre chose que ces Quatre fantastiques (ou Astérix : le problème n’a rien à voir avec un quelconque patriotisme rance !). Cela fait des cerveaux colonisés et formatés pour faire du spectateur un parfait consommateur.
Je crois que c’est ce qu’il y a de plus déplaisant dans le film : cette manière d’inculquer à un public cible des comportements qu’on croit généralisables à toute une génération. Cela va de la soupe musicale bruyante (rendez-moi les fanfares de Kusturica !) à la manière de sous-titrer ce film (un terme aussi simple que « fine » ou « sweet » se transforme en « trop fort » ou autres exemples de ce « sabir jeune » que les démagogues instrumentalisent afin de vendre leur bouillabaisse rance) en passant par ces odieuses plages clippeuses sur des exploits de sports « extrêmes » (le surf, le ski, la moto…). Tout ça pour faire croire aux gamins qui refusent d’avoir l’air con sur les pistes avec leurs combinaisons fluo qu’ils sont « ringards » !
Tout pue le formatage dans ce film, jusqu’à la manière d’envisager la « beauté » en la personne de Jessica Alba. L’imbécile qui présentait le film hier annonçait en souriant qu’elle était enceinte et que cette nouvelle allait en décevoir plus d’un alors que l’actrice, plus commune qu’une fosse, est physiquement révoltante et possède autant de charme qu’un plat de tagliatelles froid ! Avec ses lèvres refaites (beurk !!) et son teint halé artificiel qui a du coûter en séances d’UV l’équivalent du budget cosmétiques de son Excellence Nicolas 1er pendant la campagne présidentielle, elle dégage autant d’érotisme qu’une bûche de Noël ! Ce serait mentir que de dire qu’elle est « laide » (nous n’aurons pas cette indélicatesse) mais c’est encore un plus gros mensonge de la présenter comme le parangon de la beauté actuelle alors qu’elle ressemble à s’y méprendre à n’importe quelle actrice porno avec qui elle partage la même vulgarité.
Bref, revoyez plutôt les deux premiers Spiderman (beaucoup plus intéressants sur le thème du super héros mal dans sa peau) ou le deuxième Batman (qui offre un peu d’altérité, un peu de noirceur) et tirons la chasse sur cet infâme étron…