Sacco et Vanzetti (1971) de Giuliano Montaldo avec Gian Maria Volonte (Editions Carlotta). Sortie le 10 décembre 2014

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Du film de Giuliano Montaldo, on se souvient surtout de la chanson de Joan Baez Here's to you (musique d'Ennio Morricone) qui contribua à assurer une certaine postérité à ce Sacco et Vanzetti. De la même manière, si le cinéaste s'intéresse alors à l'un des plus fameux procès de l'anarchisme (et une des plus flagrantes erreurs judiciaires dont fut victime ce courant idéologique), c'est sans doute parce que ce procès entrait alors en résonance avec la situation politique et sociale italienne de l'après-68 (la radicalisation des mouvements révolutionnaires, la naissance des brigades rouges et de la « stratégie de la tension »).

 

D'un point de vue cinématographique, Sacco et Vanzetti s'inscrit de plain-pied dans la mouvance des « fictions de gauche » qui fleurirent à l'époque (les réquisitoires pénibles d'Elio Petri ou Francesco Rosi). Le film souffre d'ailleurs souvent de cette caractéristique : globalement trop didactique, il se contente généralement d'illustrer un discours préexistant et de « dénoncer » les injustices sans trop chercher à se confronter à la complexité du réel.

Pourtant, la première séquence (en noir et blanc) est très prometteuse : le cadre a une certaine assise, les plans, composés de manière géométrique, s'enchaînent avec une sécheresse de bon aloi et le spectateur est captivé par ces images de rafles policières. Je ne sais pas si Montaldo est un grand metteur en scène (je n'avais jamais vu l'un de ses films jusqu'à présent) mais il est certain qu'il a un certain style et une indéniable efficacité dans la conduite de son récit (quelques beaux plans qui isolent le président du tribunal et qui traduisent ainsi très bien le caractère impitoyable et monstrueux d'une justice qui ne cherche ici qu'à broyer l'individu).

 

Malheureusement, les choses se gâtent assez rapidement. Sacco et Vanzetti se concentre essentiellement sur le procès des deux anarchistes et l'on retombe dans les travers du « film de procès » : une certaine théâtralité (que de courts flash-back explicatifs ne rendent pas moins lourde), un didactisme appuyé (la caractérisation des personnages, entre l'ignoble juge raciste et l'avocat qui prend sur ses épaules toute la misère humaine, est beaucoup trop schématique pour intéresser) et de longs tunnels dialogués qui finissent par lasser d'autant plus que tout le film est parlé en italien alors que les anarchistes sont censés avoir des difficultés à comprendre la langue américaine.

Tout est mis en œuvre pour indigner un spectateur d'emblée acquis à la cause de ces deux saints et martyrs laïcs : une petite touche de compassion larmoyante grâce à la femme et au fils de Sacco, des témoignages résolument truqués, de grosses ficelles tirées trop ostensiblement par l’État pour faire le procès de l'anarchie.

Le film peine à inscrire ce récit dans un contexte historique précis et il a même tendance à tirer le mouvement anarchiste du côté de l’œcuménisme bêlant d'une certaine gauche socialisante pacifiste. A cet « anarchisme sirop de coing » [Noël Godin], on préfère évidemment la flamboyance individualiste d'un Darien (Le voleur) adapté par Louis Malle ou l'agit-prop satirique du grand Mocky. En effet, pour une œuvre consacrée à l'anarchie, le film de Montaldo apparaît comme beaucoup trop sage et guère plus subversif qu'une « protest song ».

 

Ces réserves posées, Sacco et Vanzetti se voit sans ennui (en dépit de quelques longueurs, notamment sur la fin). Sa raideur didactique est parfois dépassée par un côté « western » (la présence de Gian Maria Volonté – qui aurait fait un Ravachol ou un Jules Bonnot convaicant- et la musique d'Ennio Morricone aidant) que le cinéaste parvient à faire advenir grâce à une mise en scène sèche et efficace.

La « fiction de gauche » l'emporte malheureusement sur la puissance du genre mais pour qui s'intéresse à ce sujet (l'histoire des mouvements sociaux, de l'anarchie...), le film s'avère être, au bout du compte, une image d’Épinal à la fois documentée mais sans doute trop schématique pour convaincre entièrement.

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