Potiche (2010) de François Ozon avec Catherine Deneuve, Fabrice Luchini, Gérard Depardieu, Judith Godrèche, Karin Viard, Jérémie Rénier

 misere.jpg

Faire courir Catherine Deneuve dans un horrible survêtement rouge puis lui faire écrire des vers minables avant de la voir s’extasier devant d'adorables animaux (biches, écureuils...), voilà qui doit paraître le comble de l'humour second degré à François Ozon.

Adapté d'une pièce de boulevard certainement très datée, Potiche concentre ce qu'il y a de pire chez le cinéaste. Dès les premières minutes du film, le spectateur a compris tous les enjeux du film et sait pertinemment que l'épouse soumise à un mari tyrannique et odieux (Fabrice Luchini à qui on ne laisse pas une chance de sauver un personnage ignoble) va peu à peu révéler son véritable visage et se transformer en une femme libre et émancipée. Ozon n'a plus alors qu'à déployer une succession de vignettes kitsch (mais assumées comme telles, ce qui semble l'exonérer de toute tentative de nous offrir un peu de beauté) et de sous-entendus connivents.

 

Je crois qu'il n'existe rien de pire au cinéma que cet « humour » (mais est-ce vraiment drôle ? Le film ne m'a pas arraché un sourire) qui donne des coups de coude dans les côtes du spectateur et joue délibérément sur le « second degré » pour donner une sorte de cachet à la ringardise la plus absolue (Michèle Torr, les téléphones à moumoutes, les couleurs criardes des années 70...). Mais quel est le véritable intérêt de cette pièce horriblement caricaturale et qui renvoie tout le monde dos à dos (si les bourgeois réacs sont imbuvables, les syndicalistes CGT ou le député-maire communiste ne sont guère épargnés) ? Quand Mocky tire dans le tas, il a au moins le mérite de ne pas surplomber ses personnages avec un ricanement de petit malin.

 

Le seul objectif d'Ozon, cinéaste « moderne » dans la pire acception du terme, c'est de plaquer un discours « dans l'air du temps » sur un récit antédiluvien. On le devine dès la première seconde, ce discours est vaguement « féministe » et entend montrer l'émancipation d'une femme qui prend conscience qu'elle peut travailler (oh la belle victoire!) et même faire de la politique (pour prouver que les femmes peuvent être, à l'occasion, aussi corrompues, menteuses et avides de pouvoir que les hommes?). De femme au foyer méprisée et trompée (car ce statut implique, bien évidemment, la présence d'un homme réactionnaire, misogyne et répugnant), elle devient un individu libre qui milite à la fois pour l'avortement et la contraception. On voit ce que ces revendications, en 2010, peuvent avoir de subversif ! Ozon pousse la radicalité de son discours jusqu'à faire deux allusions à Sarkozy (le fameux « casse toi, pôve con ! » et le « travailler plus pour gagner plus »). Les Inrocks auront ainsi de quoi célébrer un artiste « dérangeant et engagé » !

 

Le plus déprimant dans Potiche reste néanmoins l'absence totale de mise en scène. Du huis-clos de 8 femmes, Ozon parvenait à tirer une fantaisie alerte pas désagréable, à la manière d'un roman d'Agatha Christie. Ici, la réalisation est d'une consternante platitude, le cinéaste se contentant de vignettes laborieusement mises bout à bout sans le moindre souffle. Les acteurs font ce qu'ils peuvent mais ils ont tendance à tous grimacer pour être au diapason. Seule Judith Godrèche m'a semblé convaincante dans ce rôle de fille à papa réac et bécasse parce qu'elle arrive parfois à donner une certaine humanité à son personnage.

 

Passons sur le côté « paternaliste » d'un film militant pour le matriarcat (comme toujours chez Ozon, il faut assassiner le « Père ») et qui montre une dame patronnesse, aux faux-airs de Ségolène Royal, qui lutte contre les menaces de délocalisations sauvages et qui prend les ouvriers pour ses enfants et lamentons-nous une dernière fois sur la laideur absolue de l’œuvre : la « potiche » d' Ozon n'a même pas le mérite d'être décorative et agréable à regarder comme celles que l'on surnomme d'habitude ainsi (je pense notamment aux présentatrices météo de Canal +) !

Retour à l'accueil