Avatar (2009) de James Cameron avec Sam Worthington, Zoe Saldana, Sigourney Weaver

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C'est tout juste si la critique, au moment de la sortie d'Avatar, n'en a pas fait le chef-d’œuvre du siècle et le premier film du 21ème siècle, prémices d'un cinéma nouveau entièrement subordonné aux merveilles de la technologie (c'était le premier film à sortir en 3D, du moins dans la dernière version de ce procédé).

Face à un film de ce genre, la question que peut se poser légitimement le spectateur est ce que l'appareillage technologique apporte réellement en terme de cinéma (récit, mise en scène...).

Or la première chose qui frappe dans Avatar, c'est l’extrême laideur visuelle de l'ensemble. Cameron transpose au cinéma une esthétique de jeux vidéo et fait du spectateur une espèce de joueur passif propulsé dans un univers très kitsch (des rochers volants qui n'ont pas la beauté de ceux de Miyazaki, des espèces d'algues ou de méduses phosphorescentes et des habitants de la planète Pandora qui ressemblent à de très vilains elfes...).

Découvert en 2D, les artifices sont encore plus criants dans la mesure où le cinéaste consacre de nombreuses séquences à jouer sur des effets de montagnes russes ou de train fantômes : attaques frontales de monstres préhistoriques, chutes dans le vide, etc. Ces séquences spectaculaires sont d'un ennui total et atteignent leur paroxysme lors de la grande démonstration pyrotechnique finale conforme à ce que l'on peut attendre des « blockbusters » hollywoodiens bourrins d'aujourd'hui ! Notons au passage que lorsque le « méchant » se fait attaquer par derrière, il voit arriver son adversaire à l'aide... d'un petit rétroviseur, preuve que dans le futur on ne fera jamais mieux que cette invention !

 

Admettons que je sois un vieux réac hermétique aux merveilles des effets-spéciaux d'aujourd'hui et analysons le film du point de vue de la mise en scène. L'inénarrable Jean-Marc Lalanne, dans sa critique, évoque « la maîtrise du récit » de Cameron. On tombe des nues si l'on songe que ce film dure 2 h 40 (l'obésité proverbiale des grosses machines hollywoodiennes!) et qu'on aurait pu facilement couper un tiers du film sans que le récit à proprement parler en souffre. Si Cameron a prouvé par le passé qu'il pouvait être un cinéaste romanesque et « néo-classique » de talent (Titanic), il s'est aussi souvent fourvoyé en confondant épate-visuelle et mise en scène (Cf. l'abominable Terminator 2).

Ici, ladite mise en scène est constamment plate et illustrative. Je ne parle pas du décorum technologique mais d'un hypothétique travail de la caméra, des questions de points de vue. Pourtant, le point de départ du film aurait pu être passionnant puisque pour appréhender la question de la 3D, Cameron revient aux fondamentaux d'Hitchcock en faisant de son héros un homme handicapé condamné à endosser le rôle de simple « spectateur » puis, pourquoi pas, d' « acteur ». Il se s'agit plus ici d'observer ses voisins à la longue-vue (Fenêtre sur cour) mais d'entrer dans le corps d'un « avatar » pour apprendre les us et coutumes du peuple de la planète Pandora et se faire accepter par lui.

De ce point de départ qui aurait pu être porteur de multiples enjeux (sur le rapport Réel/Virtuel, le point de vue du spectateur...), Cameron n'en tire strictement rien qu'un pénible système d'aller et retour entre le laboratoire où Jake sert de cobaye et l'univers coloré de Pandora.

Essayons d'être plus précis avec un exemple pour étayer cet avis sévère. Globalement, le film épouse le point de vue de Jake. Lorsque le méchant bidasse décide de détruire l'écosystème de Pandora, il réalise que notre héros est en train de passer de l'autre côté et le « réveille » tandis qu'il commence à être considéré comme un traître par les Na'vi. Alors qu'un cinéaste un peu inventif aurait joué sur une ellipse (réveillé, Jack aurait pu se demander ce qui allait arriver à son avatar en danger) et maintenir le point de vue unique. Or Cameron change de point de vue et nous laisse au cœur de la planète pour nous montrer les Na'vis s'affronter autour du corps inerte de l'avatar. Je ne suis pas en train de prétendre que ce point de vue devrait être « interdit » mais seulement de constater que nous sommes face à de la pure « illustration » : il ne s'agit plus de faire travailler l'esprit du spectateur mais de lui mâcher tout le travail. Je défie quiconque de trouver dans Avatar un point de montage intéressant, une ellipse signifiante, un cadre un peu élaboré...

Si la mise en scène à proprement parler est inexistante, l'appareillage technique ne sert ici qu'à illustrer un scénario d'un schématisme atterrant. Cameron oppose d'un côté des bidasses très, très méchants (on aurait pu avoir une réelle satire de l'impérialisme yankee et de la politique de « terre brûlée » des États-Unis lorsqu'il s'agit d'aller « civiliser » les « barbares » : ce n'est pas le cas) et des scientifiques humanistes « citoyens du monde ». Entre les deux, un héros qui passe du côté du peuple de Pandora de manière très convenue et qui permet ainsi au cinéaste de nous asséner un discours écolo aussi pontifiant (le côté Ushuaïa de certains décors de nature, l'atroce musique « new-age »...) que cucul.

 

Il y aurait d'ailleurs beaucoup à dire de cette idéologie « écolo fondamentaliste » (« nous avons tué notre « mère Nature, ma bonne dame ») et de ses aspects les plus douteux (si Cameron fait mine de défendre les cultures « minoritaires », il prend bien garde d'éviter les mélanges et Jake ne pourra faire partie de Pandora qu'en « renaissant » totalement à sa nouvelle vie) mais il me semble inutile d'aller jusque là pour constater à quel point ce film est raté et ennuyeux...

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