C'est du brutal !
Les tontons flingueurs (1963) de Georges Lautner avec Lino Ventura, Bernard Blier, Francis Blanche, Jean Lefebvre, Claude Rich
Difficile de parler de Georges Lautner alors qu'il vient à peine de disparaître. Reconnaître humblement que l'on n'a jamais été un grand fan de son cinéma risque de vous placer immédiatement dans la catégorie des « pisse-froid » ou des « intellos » incapables de comprendre la beauté du cinéma « populaire » du samedi (ou dimanche) soir. Il ne faut pourtant pas oublier que Lautner est aussi l'auteur d'abominations comme Le cow-boy (avec Aldo Maccione), La cage aux folles 3 ou même Le pacha que, personnellement, je déteste.
En même temps, il ne faut pas être injuste envers un cinéaste souvent honnête, capable de s'entourer de gens talentueux (Audiard, bien entendu, mais il faut également citer toute sa troupe de comédiens) et de réaliser quelques films réjouissants (pour ma part, j'aime beaucoup On aura tout vu avec Pierre Richard, Miou-Miou et un génial Jean-Pierre Marielle).
S'il fallait établir à tout prix une hiérarchie, je dirais volontiers que Lautner est un cinéaste moins intéressant que Joël Séria ou Pascal Thomas (je reste dans le registre de la comédie « populaire ») mais plus doué qu'un Gérard Oury (son humour qui flirte parfois avec l'absurde me paraît beaucoup moins vieillot que celui du Corniaud ou de La folie des grandeurs) et, a fortiori, qu'un Jean Girault.
Il y a néanmoins un certain paradoxe à voir tout le monde célébrer cet homme (presque 10 minutes d'hommage en ouverture du JT!) alors que certains de ses films ne pourraient sans doute plus être tournés aujourd'hui (certains dialogues du Professionnel l'enverraient sans doute devant les tribunaux!) et qu'ils attireraient l’opprobre de ceux qui lui rendent hommage.
Mais ne nous éloignons pas trop de notre sujet et revenons à ces Tontons flingueurs qui, 50 ans après, reste toujours le meilleur film de son auteur. Si je commence ma critique en disant que le statut de « film culte » masque un peu certaines faiblesses de l’œuvre, je vais à nouveau me faire écharper. Pourtant, je trouve que certains passages sont plus faibles et que le film souffre parfois de quelques chutes de rythme.
Ces réserves posées, on peut énumérer les qualités du film de Lautner. La première, et celle qui fait encore sa renommée, ce sont les dialogues d'Audiard. Je pense que la réplique « Les cons, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît » constitue le trait d'esprit le plus usé jusqu'à la corde lorsqu'il s'agit de discréditer un adversaire dans un débat (c'est un peu l'équivalent, mais dans un autre genre, du « on peut rire de tout mais pas avec n'importe qui » de Desproges). Mais malgré ce côté un peu défraîchi, les répliques fusent toujours avec autant de brio et emportent l'adhésion (et pourtant, je ne suis pas non plus un grand fan d'Audiard).
Deuxième qualité : ces dialogues sont récités et joués par une troupe de comédiens en état de grâce. Jean Lefebvre n'a jamais et ne sera jamais aussi bon, idem pour Lino Ventura qui n'est pas un acteur que j'apprécie énormément (décidément!). Claude Rich s'acquitte à merveille de son rôle de jeune premier séduisant et beau parleur (comme dans Oscar de Molinaro) tandis que l'incontournable second rôle Robert Dalban est absolument hilarant en majordome. Mais ma préférence va à la fois à Francis Blanche (« touche pas au grisbi, salope ! ») et au toujours génial Bernard Blier (inutile de vous rappeler ce moment d'anthologie où il se décide à « disperser façon puzzle »!).
Troisième qualité : la mise en scène de Lautner. Eh oui ! On a un peu tendance à limiter son rôle à celui d'honnête faire-valoir tout juste bon à illustrer les scénars d'Audiard. Or dans Les tontons flingueurs, il fait preuve d'une certaine invention : champs/contrechamps filmés avec des angles insolites (plongées/contre-plongées au bowling, par exemple), utilisation de courtes focales qui rendent nette la profondeur de champ et qui déforment un peu les visages devant la caméra... Ce qui pourrait n'être qu'afféterie participe finalement au côté légèrement absurde de ce film et à son humour loufoque. Par ailleurs, la photo de Maurice Fellous est très soignée et le montage plutôt alerte.
Il ne me reste plus grand chose à ajouter à moins de me contenter d'une énumération fastidieuse des moments d'anthologie du film (la beuverie, les « bourre-pifs »...).
Alors concluons en disant que Les tontons flingueurs reste une comédie qui, comme le bon vin, vieillit bien et se savoure toujours avec beaucoup de plaisir...