Homo eroticus (les performances amoureuses du sicilien) (1971) de Marco Vicario avec Lando Buzzanca, Rossana Podesta, Bernard Blier. (Editions L.C.J) Sortie le 5 avril 2014

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Sans même parler des difformités physiques (Elephant man, Freaks...), le cinéma a toujours été friand des anomalies physiologiques et anatomiques. On se souvient de Mastroianni qui tombait enceinte dans L’événement le plus important depuis que l'homme a marché sur la lune de Jacques Demy, de la prostituée à trois seins de Total Recall ou encore l'homme doté d'un appendice caudal dans La bête de Borowczyk. Il faudrait également faire un petit tour du côté du cinéma porno pour ne pas oublier le « bijou indiscret » de Pénélope Lamour dans Le sexe qui parle de Claude Mulot ou le clitoris situé au fond de la gorge de Linda Lovelace dans Gorge profonde de Damiano.

Le héros d'Homo eroticus, interprété par le grand dadais Lando Buzzanca, a pour particularité d'être à la fois étonnamment doté par la nature (que les chaisières néo-puritaines tendance Christine Boutin ou Najat Vallaud-Belkacem ne s'offusquent pas : le cinéaste se gardera bien de montrer l'objet du délit) et de posséder... trois testicules !

 

Une comédie italienne entièrement axée autour de la particularité anatomique de son héros et aussi à cheval (si j'ose dire!) sur les questions de la virilité ne laissait pas forcément présager que du bon, surtout pour ceux qui gardent en mémoire ce que deviendra le genre au milieu des années 70 avec les sagas où sévira la divine Edwige Fenech (de « la toubib » à « la flic » en passant par « La prof »). Et pourtant, Homo eroticus s'avère être un film plutôt sympathique. Un peu débile, certes, mais parfois assez drôle. On se surprend même à rire aux éclats lors de la scène où Bernard Blier (absolument génial à chacune de ses apparitions) découvre le secret de Mickaël. Les mines qu'il prend en découvrant ce que le cinéaste laisse prudemment hors-champ sont irrésistibles.

 

Homo eroticus s'inscrit dans une période charnière de la comédie à l'italienne. Elle poursuit, d'une certaine manière, l'âge d'or du genre en se riant de la virilité méditerranéenne et en offrant aux spectateurs un propos assez satirique (la grande bourgeoisie et ses mœurs dissolues sont souvent raillées). D'un autre côté, le ton devient plus « leste » : sans être encore de la grosse gaudriole où l'érotisme jouera un rôle primordial, le film est assez évocateur et vise, la plupart du temps, sous la ceinture. Mais comme Marco Vicario évite d'en montrer trop, l'humour du film repose aussi sur cette dichotomie entre un propos totalement graveleux et des images relativement sages (au mieux, on apercevra quelques poitrines dénudées).

 

On regrettera cependant que les éditions LCJ ne proposent ici qu'une simple version française. En effet, même sans parler italien, je pense que l'on perd pas mal en traduisant cette comédie dont certains ressorts reposent sur l'opposition entre les particularisme locaux. Jean Gili le rappelait dans un supplément de Hold-up à la Milanaise : la comédie italienne a beaucoup joué sur les rivalités Nord/Sud. Ici, Mickaël débarque de sa Sicile (c'est, en quelque sorte, un archétype du « mâle italien ») pour arriver à Bergame. Engagé comme domestique, il va connaître une ascension sociale digne du Bel-Ami de Maupassant grâce à ses performances amoureuses. Le film joue sur l'opposition entre une Italie du nord aux mœurs libérées (toutes ces bourgeoises qui se disputent le bel étalon) et une Italie du sud archaïque et régie par des mœurs ancestrales (la jeune adolescente dont s'éprend Mickaël et dont le père est un coiffeur mafieux).

 

Alors nous ne prétendrons pas qu'Homo Eroticus appartient à l'âge d'or de la comédie italienne et qu'il s'agit d'un chef-d’œuvre. Mais Marco Vicario (je n'ai vu aucun de ses films mais il semble avoir persisté dans le genre avec Ce cochon de Paolo -où apparaît Ornella Muti !- et L'érotomane) parvient à imprimer à son récit un certain rythme, à jouer sur des gags visuels assez amusants (ne pouvant montrer l'objet du délit, il est obligé de procéder par métonymie) qui parviennent à compenser (pas toujours) la lourdeur du comique et une vulgarité dont il ne se défera pas totalement...

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