To Rome with love (2012) de et avec Woody Allen et Roberto Benigni, Pénélope Cruz, Ellen Page, Jesse Eisenberg, Judy Davis, Alec Baldwin, Ornella Muti

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Cher Woody,

 

J'ai bien reçu ta dernière carte d'Italie et je t'en remercie. Je dois avouer que j'avais été un peu déçu par tes nouvelles de Paris alors que j'avais adoré tes escapades espagnoles et britanniques (à l'exception du Rêve de Cassandre). J'ai été surpris, je dois l'admettre, par la longueur assez inhabituelle de tes écrits. Il m'a fallu quelques instants avant de comprendre que tu ne t'étais pas contenté d'une seule carte mais de quatre. Je te le confesse en toute amitié : certaines m'ont paru un peu moins intéressantes que les autres. Je prendrai le temps de te répondre plus en détail prochainement mais, pour le moment, je dois retourner vaquer à mes occupations. A très bientôt.

Amitiés.

Dr Orlof.

 

 

Cher Woody,

 

Je dois te confier le plaisir que j'ai eu à te retrouver frais et pimpant à l'écran. Tu as, de nouveau, endossé le rôle qui te sied le mieux : celui de l'angoissé chronique, hypocondriaque (la scène de l'arrivée en avion est fort drôle) et obsédé par la mort qui retrouve sa fille à Rome alors qu'elle va épouser un jeune et ambitieux avocat. La confrontation de ce couple new-yorkais avec la famille italienne (le père est entrepreneur de pompes funèbres) est piquante à souhait et tu t'es gardé tous les bons mots dont tu as le secret.

A part ça, je constate que même lorsque tu es en petite forme, tu trouves toujours les moyens de nous offrir une idée géniale. Je me souviens encore avec allégresse de « l'homme flou » de Harry dans tous ses états ou du cinéaste aveugle de Hollywood ending. Et il n'y a que toi pour inventer ici cet homme à la voix sublime mais qui ne chante bien... que lorsqu'il est sous sa douche ! Du coup, comme tu t'es donné le rôle d'un metteur en scène d'opéras, voilà que tu imagines une mise en scène avant-gardiste où notre ténor sera constamment en train de se savonner. Derrière cette idée de gag hilarante, tu parviens à glisser une fois de plus une petite réflexion sur « l'imposture ». L'art que tu pratiques n'est, finalement, qu'une sorte de passe-temps qui t'a permis pourtant de t'imposer. Or, tu restes toujours persuadé qu'il existe un décalage entre l'accueil dont bénéficie tes œuvres et leur véritable dimension (distraire, amuser, toucher...). C'est une belle image que celle de ce public qui se lève pour saluer ton œuvre tandis que tu te retrouves caché (mais bien présent) au beau milieu de cette foule. Est-ce la sagesse qui vient avec l'âge mais il paraît bien évident que tu parviens désormais à te détacher des vanités de ce monde et à regarder avec beaucoup de dérision les affres de la célébrité. Et même si tu comptes désormais en euros et que ça fait sans doute moins en dollars, ne doutons pas qu'il te reste de nombreuses œuvres à nous offrir avant qu'arrive le clap de fin que tu redoutes tant...

Mes amitiés les plus sincères.

Dr Orlof.

 

 

Cher Woody,

 

Je constate avec plaisir que tu sais aussi t'effacer et aller chercher les jeunes acteurs prometteurs du moment. C'est une très belle idée que d'avoir confronté Ellen Page (Juno) et Jesse Eisenberg (The social network). Leur duo fonctionne parfaitement et te permet d'ajouter quelques lignes à ton grand chapitre sur les relations amoureuses, les regrets des histoires avortées, des chemins qui se croisent et s'éloignent...Cette veine sentimentale est renforcée par le fait que tu fais appel à Alec Baldwin qui joue, en quelque sorte, la conscience de Jesse Eisenberg. Tout se passe comme si cet homme vieillissant, ayant fait une croix sur ses ambitions de jeunesse, se retrouvait quelques décennies en arrière et revivait les situations qu'il avait vécues autrefois. Ce personnage permet d'offrir une jolie patine mélancolique à ton récit. Alors que ton séjour à Rome m'a semblé plutôt ensoleillé, c'est peut-être la partie la plus sombre de ton aventure (les personnages se font d'ailleurs surprendre par un orage et une de ces fameuses averses dont la dimension érotique n'est plus à prouver tant elles reviennent dans ton œuvre). J'ai un peu pensé à Vicky, Cristina, Barcelona et à cette idée que la vie nous fait prendre des chemins décevants alors que d'autres voies seraient possibles. C'est un peu triste mais pas désespéré.

Amitiés.

Dr Orlof

 

 

Cher Woody,

 

Je vois que tu as rapporté d'Espagne un bien joli cadeau en la personne de Penelope Cruz. Tu lui fais jouer le rôle d'une prostituée pleine de vivacité et qui s'inscrit dans la droite lignée de ces filles de joie qui peuplent ton cinéma depuis quelques temps : la blonde évaporée de Maudite Aphrodite, la noire explosive de Harry dans tous ses états et la vénale femme d'Anthony Hopkins dans Vous allez rencontrer un bel et sombre inconnu. Tu la jettes comme un chien dans un jeu de quilles dans la vie d'un jeune couple qui découvre la capitale. Tout repose dans cette carte sur une série de quiproquos assez drôles au début mais qui s’essoufflent un peu par la suite. Tes acteurs ne parlent pas anglais et c'est peut-être pour cette raison que le rythme semble en pâtir un peu et que tu ne tires finalement pas grand-chose de cette situation. Ce n'est pas désagréable mais un peu laborieux. J'espère que tu ne m'en voudras pas d'avoir été franc. Je t'embrasse.

Amitiés.

Dr Orlof.

 

 

Cher Woody,

 

C'est une preuve d'élégance que d'inviter chez toi un réalisateur et acteur comique comme toi. De cette confrontation avec Roberto Benigni, on pouvait attendre beaucoup. Tu prends comme point de départ une situation aussi kafkaïenne que comique : un homme ordinaire qui, du jour au lendemain et sans raison précise, devient une grande célébrité. On se doute que tu cherches ici à nous convaincre de la vanité de la célébrité et du caractère incertain de la fortune qui vous touche ou pas (on se souvient de cette balle de tennis qui franchit -ou pas- le filet dans Match point). Tu avais consacré une carte entière à ce thème (Celebrity avec Kenneth Branagh) mais tu ne parviens pas vraiment à dépasser le cap de la simple idée théorique. Benigni ne m'a paru très à l'aise et le caractère répétitif des situations (tout le monde le suit dans la rue, il a, à ses pieds, les plus belles femmes de la planète, tout lui sourit...) s'avère un peu fastidieux. Là encore, on regrette que cette rencontre n'ait pas été plus productive.

Ne m'en veux pas pour ces quelques réserves, mon cher Woody. Tu sais que j'attends déjà avec impatience tes prochaines nouvelles et que je ne manquerai pas de te donner mon avis. Je te souhaite une bonne continuation (quelle sera ta prochaine destination ? L’Allemagne ? La Grèce?) et te dis à très bientôt.

Amitiés.

Dr Orlof.

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