Le temps des vautours (1967) de Romolo Guerrieri avec Gianni Garko, Claudio Camaso. (Editions Artus Films) Sortie le 4 mars 2014

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Je m'aventure aujourd'hui sur des territoires qui me sont peu familiers, à savoir ceux du western italien. Comme tout le monde, je connais les films de Sergio Leone, quelques titres de Sergio Corbucci et j'ai de vagues réminiscences de nanars avec Terence Hill. Mais je dois reconnaître que c'est à peu près tout (le seul film que j'ai vu de Enzo.G Castellari est un film de guerre!) et que dans le domaine, je n'ai pas la culture encyclopédique de notre ami Vincent. C'est donc avec une certaine curiosité que j'ai découvert ce premier des quatre films avec Gianni Garko (alias Sartana) réédités par nos camarades d'Artus.

Le temps des vautours se présentent comme une suite au fameux Django de Corbucci (remis à l'honneur par Tarantino l'an passé). Gianni Garko incarne ici Django, chasseur de primes solitaire qui refuse pendant un moment de pourchasser le redoutable Manuel dans la mesure où la récompense promise n'est pas assez élevée. Mais Manuel a enlevé la fille d'un riche propriétaire terrien qui est prêt à ajouter de l'argent. Lorsque celle-ci atteint 10000 dollars (d'où le titre original : 10000 dollaris per un massacro), Django se lance à la recherche du terrible bandit...

 

Le film débute de manière assez étonnante : Django est allongé au bord de la mer et montre à la caméra ses pieds sales. Il fait la conversation à un comparse que nous ne voyons pas. Au bout d'un moment, le spectateur réalise qu'il s'agit d'un cadavre. Tout juste après, Romolo Guerrieri (alias Romolo Girolami, soit l'oncle d'Enzo Girolami plus connu sous le nom d'Enzo G.Castellari : vous suivez?) filme une confrontation qui rappelle furieusement le style de Leone : plans d'ensemble, gros plans sur les yeux des personnages, musique lancinante... L'ombre du maître plane constamment sur ce western qui s'avère, au bout du compte, plutôt bien fichu.

 

Une des caractéristiques du cinéma de Leone qui irriguera par la suite l'ensemble du western italien, c'est une volonté patente de démystifier le genre. L'héroïsme exalté par les classiques américains (même si cette affirmation mériterait, bien évidemment, d'être nuancée) laisse place à un cynisme généralisé. Les pionniers, les redresseurs de tort, les shérifs au grand cœur ont disparu au profit d'aventuriers sans foi ni loi qui n'agissent que de manière vénale. Il est assez frappant de constater que lorsque Django rapporte le cadavre d'un homme recherché, il est vu d'un fort mauvais œil par le shérif local. Même s'il débarrasse les environs des plus redoutables chacals, il n'en reste pas moins un vautour se repaissant de chair humaine.

Le Django incarné par Gianni Garko (très bien, peaufinant un personnage monolithique et magnétique dans la lignée de ceux qu'incarneront Eastwood, Volonte ou encore Bronson chez Leone) n'est en aucun cas un représentant du Bien ou de la Loi. S'il se débarrasse des bandits, c'est uniquement pour toucher les primes. Seul l'argent le motive et lorsqu'il n'y en a pas assez, il refuse les contrats quitte à sympathiser avec le brigand recherché.

La confrontation entre ce personnage et Manuel est intéressante parce qu'ils constituent les deux faces opposées d'une même pièce : l'un est du côté de la légalité, l'autre non mais ils agissent de la même manière (ils n'hésitent pas à faire parler la poudre) et pour les mêmes buts (le fric). Jamais on aurait vu dans un western classique un « héros » s'associer au bandit pour braquer une diligence. Mais c'est aussi à partir de ce moment que le récit bascule et que Django choisit son camp, moins par sens moral que par esprit de vengeance.

Là encore, on constate que cet homme n'a rien du héros « classique » mais que c'est l’ambiguïté la plus sombre qui le caractérise.

 

C'est d'ailleurs ce qui fait l'intérêt du Temps des vautours, sombre western réalisé avec un vrai talent. Bien sûr, certaines scènes font penser à une copie des tics formels les plus visibles du cinéma de Leone mais reconnaissons aussi que le film est porté par l'énergie parfois brouillonne mais souvent inventive du cinéma de genre « bis ». La séquence finale où Guerrieri convoque tout le folklore du genre (ville déserte, sable soulevé par le vent, duels...) est remarquable.

De quoi donner envie de découvrir les autres films joués par Gianni Garko...

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