L'entourloupe (1980) de Gérard Pirès avec Jean-Pierre Marielle, Jacques Dutronc, Gérard Lanvin, Anne Jousset, Isabelle Mergault. (L.C.J éditions). Sortie le 6 Juin 2013

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Avant d'entrer dans l'écurie Besson pour y tourner Taxi et sombrer ensuite dans le n'importe quoi (Double zéro, l'un des plus sinistres navets de tous les temps) ; Gérard Pirès fut un prometteur réalisateur de comédies corrosives, proche de la bande de Charlie-Hebdo grande époque (Reiser signe ici l'affiche de son film tandis que Manchette incite ses lecteurs à aller le voir tout en ne l'analysant pas pour ne pas être accusé de copinage).

 

Pour ma part, j'avais trouvé quelques qualités à des films comme Fantasia chez les ploucs ou Attention les yeux ! et c'est avec une certaine curiosité que j'avais envie de découvrir cette Entourloupe.

 

Deux petits truands parisiens (Dutronc et Lanvin) cherchent à changer d'air après un coup foireux. Ils se font engager comme représentants pour des encyclopédies médicales. Mais pour cela, ils doivent se rendre en terrain hostile : dans le Poitou !

 

Pour être honnête, le film est loin d'être sans défaut. Réalisé à la truelle, il souffre en outre d'un manque de rythme et d'une bande son assez médiocre. La mise en scène de Pirès est assez catastrophique : zooms disgracieux, plans d'ensemble sans vie et sans mouvement, découpage hasardeux... Cinématographiquement, on est proche du degré zéro. De plus, le scénario d'Audiard, malgré quelques belles répliques et vannes politiquement incorrectes (certaines réflexions sur les Arabes ou les Juifs paraissent totalement impensables à notre époque), manque de rigueur pour véritablement emporter l'adhésion.

 

Fort heureusement, le cinéaste parvient à sauver les meubles grâce à deux éléments. D'une part, une certaine férocité quant à sa vision de la province française. En se rendant dans un Poitou où ils ne trouvent que la pluie, l'ennui de la campagne, quelques vaches et une poignée d'habitants guère plus évolués que les bovidés cités précédemment ; les deux compères permettent à Pirès de livrer un tableau extrêmement satirique d'une France arriérée. Le film est d'une méchanceté assez réjouissante même s'il est, bien évidemment, totalement caricatural. Ce n'est plus le « salauds de pauvres ! » de Gabin dans La traversée de Paris mais un « Salauds de ploucs ! » que semble constamment clamer le cinéaste.

 

D'autre part, son film est porté par un casting qui tient bien la route. Même si Lanvin est un peu effacé, Dutronc séduit par son côté cynique et je-m’en-foutiste. Mais c'est surtout l'ogre Marielle qui tire son épingle du jeu. Dans le rôle d'un VRP capable de « vendre un passe-montagne à un Sénégalais », il est impérial. Il faut le voir, le temps d'une séquence d'anthologie, refourguer à une mère de famille son encyclopédie en l'embobinant avec un baratin de commercial véreux qui ne doit pas être très éloigné de la réalité. C'est à la fois ignoble (la mère n'a plus un radis pour nourrir ses huit enfants et elle se ruine pour acquérir à son insu cette encyclopédie) et hilarant. Chacune des apparitions du comédien est un régal, même si on aurait aimé un metteur en scène plus solide pour donner un peu plus d'ampleur et de rythme aux répliques qu'il dit goulûment.

Côté filles, le spectateur reconnaîtra avec une larme de nostalgie Anne Jousset, compagne pendant un temps de Daniel Auteuil, spécialiste de ce type de comédie à l'époque (c'était l'héroïne des Héros n'ont pas froid aux oreilles de Charles Némès) et qui a totalement disparu de la circulation depuis le début des années 90. On aimerait savoir ce qu'elle est devenue. Dans un petit rôle, on apercevra également Isabelle Mergault, peu avare de ses charmes, avec une trentaine d'années en moins.

 

Sans être un chef-d’œuvre, loin de là, L'entourloupe peut encore séduire les amateurs de comédies françaises antédiluviennes, avec ce petit supplément de méchanceté estampillée Audiard qui mérite le détour...

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