Mon beau-frère a tué ma sœur (1986) de Jacques Rouffio avec Michel Serrault, Michel Piccoli, Juliette Binoche, Jean Carmet, Tom Novembre

Les hommes (1973) de Daniel Vigne avec Michel Constantin, Nicole Calfan

(2 DVD L.C.J. Editions). Sortie le 6 juin et le 7 mai 2013

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Je vais vous parler d’un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître, celui où le cinéma français produisait des films en se contentant de recette dûment éprouvée et d’aligner quelques têtes d’affiches. C’était l’époque où d’honnêtes artisans se satisfaisaient de scénarios solides pour alimenter les soirées du dimanche soir à la télévision et où des stars comme Belmondo, Depardieu, Delon, Serrault et quelques autres se taillaient la part du lion. Ces temps sont révolus : les « stars » ne font plus forcément recette, les cases cinéma ont progressivement disparu de la télévision et ce « cinéma » populaire a été remplacé par des téléfilms formatés et immédiatement programmés par lesdites chaînes de télé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si des gens comme Rouffio, Vigne mais aussi Heynemann, Denys Granier-Deferre ou Jacques Deray ont fini par tourner pour la télévision.

 

Ne soyons cependant pas trop nostalgique : chez ces cinéastes « populaires » d’antan, la facture de leurs films est souvent bien conventionnelle et ne se distingue que trop rarement des produits télévisuels. C’est d’ailleurs ce qui surprend dans un premier temps en découvrant Mon beau-frère a tué ma sœur : une ambition assez inédite dans le cadre balisé de la « comédie policière ». Jacques Rouffio (qui se souvient encore de ce cinéaste ?) n’a jamais été un grand artiste mais il a réalisé quelques films intéressants, que ce soit Sept morts sur ordonnance ou le très satirique Le sucre.    

Une fois de plus, Rouffio fait appel ici à l’écrivain Georges Conchon pour le scénario et offre à de grands comédiens des partitions sur mesure. Mais alors qu’on aurait pu s’attendre à un honnête film du dimanche soir dans la veine des bons Zidi, le cinéaste nous entraine dans une histoire abracadabrante de meurtre que deux académiciens (Serrault et Piccoli en gamins quinquagénaires) tentent de résoudre. Rouffio opte pour une voie assez inédite en France : l’absurde (un des personnages se nomme Ionesco) et le loufoque. Sauf que le résultat n’est pas vraiment à la hauteur des ambitions. Le film souffre d’une structure trop lâche qui peine à donner de la consistance à une succession de séquences sans queue ni tête. Il aurait fallu une mise en scène plus assurée pour donner un peu d’ampleur à cette valse de pantins incolores. Il ne reste alors plus qu’à se contenter du jeu des comédiens : s’amuser de voir Michel Serrault singer Bogart avec l’imper et le chapeau de rigueur, apprécier la belle prestance de Piccoli et admirer le charme juvénile de Juliette Binoche, tout juste révélée par le Rendez-vous de Téchiné.

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Les hommes se révèle être un film beaucoup plus classique. Premier long-métrage de Daniel Vigne (qui connaîtra une courte consécration grâce au film Le retour de Martin Guerre), Les hommes narre la vendetta de Fantoni (Michel Constantin), mafieux corse doublé par certains de ses complices dans une sombre histoire de trafic de cigarettes (nous sommes au début des années 50). Avec un titre pareil, le spectateur s’attend à un film chargé en testostérone et ne coupera pas à tout le folklore du film de gangsters : costards cravate, trahisons, code de l’honneur et règlements de compte sanglants… Vigne lorgne bien évidemment sur les succès du cinéma français de l’époque : Borsalino de Jacques Deray ou encore La scoumoune de José Giovanni et s’en tire relativement bien. Disons que la facture du film est correcte et que le récit est suffisamment nerveux pour ne pas ennuyer. La mise en scène est sans surprise mais suffisamment rugueuse pour imprégner un certain rythme. Quant à Michel Constantin, tout en retenue, il est impeccable dans un registre qui lui est familier.

Ce constat posé, il faut aussi reconnaître que ce cinéma où l’on se tire dessus pour des codes d’honneur ancestraux n’est pas vraiment ma tasse de thé. Les gangsters taiseux qui s’enquillent du camembert et le petit jaune typique relèvent d’un folklore qui ne m’a jamais vraiment intéressé. D’autre part, Vigne peine un peu à peindre ses personnages et à leur donner une consistance (Constantin mis à part). Du coup, on se perd un peu devant ces patronymes corses interchangeables et ces visages qu’on a du mal à imprimer.

Mais encore une fois, dans la catégorie « film du dimanche soir », Les hommes pourra plaire aux amateurs du genre… 

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