Cinématon 2311-2340 (2010-2011) de Gérard Courant

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Caterina Vinci Cinématon n°2316

 

C'est à Lucca, en Italie, que nous retrouvons Gérard Courant pour une petite dizaine de portraits. Parmi eux, deux des organisateurs du festival : Luca Modena (n°2311) qui se bouche les oreilles (moyen de faire comprendre aux spectateurs qu'ils n'entendront rien ?) et Francesco Giani (n°2312) qui prouve, une fois de plus, l'importance du geste dans la culture italienne puisqu'il passe l'essentiel de son temps à faire mine de dessiner sur une toile imaginaire.

Les portraits les plus réussis de ce festival furent sans doute ceux de trois étudiantes qui seront également les vedettes d'une autre série de Courant : Trio. Erica Bernardi (n°2318) succombe parfois à la tentation de la grimace (ce qui n'est jamais une bonne idée), Camilla Cacciari (n°2317) reste sobre et le plus beau est sans conteste celui de Caterina Vinci (n°2316) dont le beau visage filmé en noir et blanc rappelle celui de certaines héroïnes de Garrel. Son film devient même très émouvant lorsqu'elle parvient, à la fin, à laisser couler quelques larmes. Pour la petite histoire, Caterina Vinci n'est pas une étudiante comme une autre puisqu'elle a entrepris, sauf erreur, une thèse sur... Cinématon !

 

Après ce séjour italien, la balade du jour au cœur de Cinématon a eu une saveur toute particulière pour moi dans la mesure où j'ai assisté à quelques tournages de ces portraits. Le 21 novembre 2010, c'est durant les rencontres cinématographiques de Nice que Gérard Courant va filmer des gens que j'ai eu le plaisir de rencontrer. Le jeune cinéaste Tony Faria-Fernandes (n°2324) avait présenté la veille l'une de ses œuvres en Super 8. Je me rappelle qu'il avait préparé plein d'accessoires pour son Cinématon mais, qu'au bout du compte, il est resté sans rien faire devant la caméra, sinon un sourire intimidé. Pour l'anecdote, muni de sa caméra super 8, il profitera de cette rencontre avec Courant pour faire un portrait du cinéaste sur le même modèle que Cinématon (si mes souvenirs sont bons, il était parvenu auparavant à filmer de la même manière Angelopoulos).

Ce fut ensuite au tour de Marjorie Nouvel (n°2325), étudiante et actrice dans ledit film en Super 8, d'entrer dans la grande famille de Cinématon. Dans le même décor (nous étions sur la plage), elle profite des timides mais très agréables rayons du soleil niçois.

 

Un peu plus tard dans la journée, j'assistai également au tournage du portrait de notre ami Vincent Jourdan (n°2326) que l'on ne présente plus. Sur une place de Nice, en face du cinéma Mercury, Vincent montre à la caméra des photos qui lui tienne à cœur, de sa famille mais également quelques images ayant rapport avec le cinéma. Est-ce que ça vous étonne si je vous dis que l'on aperçoit John Wayne ou encore l'affiche de Stagecoach de John Ford? Seul regret : le soleil empêche parfois de bien distinguer les photos...

 

Je n'étais plus là lorsque Courant tourna ses deux derniers portraits niçois. Et je dois avouer qu'en voyant William Turmeau (n°2327) en t-shirt (nous étions fin novembre!) et Hervé Roesch (n°2328) devant la mer et un ciel parfaitement bleu, j'ai senti monté en moins un immense sentiment... de jalousie !

 

Sans la moindre transition, nous passons de la mer Méditerranée à la station-service d'un Leclerc dans les Deux-Sèvres pour y retrouver le temps d'un « arrêt pipi » (c'est ce qu'il montre...sur un carton, rassurez-vous!) l'excellent « actionniste berrichon » David Legrand (n°2329) qui se peigne frénétiquement les cheveux et la barbe avant de se mettre un sac en papier sur la tête. A ses côtés, le projectionniste Jean-Marc Champeau (n°2330) restera dans sa voiture et se fera filmer derrière le pare-brise.

 

Avant de revenir à Dijon, Gérard Courant va immortaliser Roger Odin (n°2331) qui se livre à un exercice particulièrement séduisant. Se présentant d'abord debout, nous ne voyons pas son visage mais des cartons qui s'interrogent sur le nombre de « Roger » dans le monde (idem ensuite sur le nombre de « Odin » et de « Roger Odin ») avant de montrer de nombreux éléments relatifs à son « identité » : empreinte digitale grossie, vieilles photos, photocopie de diverses cartes (carte d'identité, par exemple). Enfin, il montre son visage mais un carton précise que ceci n'est pas Roger Odin mais un portrait de Roger Odin par Gérard Courant. En un peu plus de trois minutes, le théoricien parvient à une réflexion assez vertigineuse sur la notion d'identité...

 

Après cela, je vais à nouveau assister à deux tournages. Un an et un jour après mon propre Cinématon (le 22 décembre 2010), Gérard Courant me présente à l'équipe de la Cinémathèque de Bourgogne Jean Douchet qui a la gentillesse de m'inviter à manger. C'est au cours de cette belle journée que je ferai connaissance avec Vincent Nordon et même le photographe de plateau Jean-Claude Moireau (auteur d'un livre de référence sur Jeanne Moreau) qui fit un passage éclair.

En fin d'après-midi, c'est Nicholas Petiot (n°2332), alors directeur de ladite cinémathèque, qui sera « cinématoné » . Un verre de rouge à la main, une cigarette à la bouche, il pose devant le Cinématon de Jean Douchet qui défile sur un téléviseur tandis que de mystérieuses mains finissent par cacher son visage derrière un amoncellement de bobines de films conservés. C'est devant ce même Cinématon de Douchet que posera le documentaliste cinéma Philippe Vidal (n°2333) qui profitera de ce moment pour consulter des livres de cinéma (notamment ceux de Douchet : son Hitchcock, son beau-livre sur la Nouvelle Vague, son Art d'aimer...) avant de finir enseveli derrière des livres et des affiches.

 

A noter qu'à partir de Nicholas Petiot, tous les cinématons seront tournés en noir et blanc, manière pour Courant de revenir à un certain « primitivisme » qu'il avait perdu en passant du Super 8 à la vidéo.

 

Pour terminer, une autre personnalité dijonnaise que j'ai déjà eu l'occasion de rencontrer et qui parvint à prouver qu'en matière d'imagination, les « modèles » de Courant n'ont jamais eu vraiment de limites. Si nous avions déjà eu l'occasion d'assister à des Cinématons « érotiques » parfois assez crus ou encore à des expériences assez limites (arrêter de respirer, boire le plus possible, se couper...), l'artiste et vidéaste Lydie Jean-Dit-Pannel (n°2334) innove en se faisant tatouer sur l'oreille son numéro de Cinématon.

 

Jamais l'expression « avoir le cinéma dans la peau » n'aura semblé aussi appropriée !

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