Cinématon 2371-2400 (2011) de Gérard Courant

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  Saleh Karama Cinématon n° 2386


 

A certains moments, trente « cinématons » pouvaient représenter plus de deux ans de la vie de Gérard Courant. Les trente portraits que nous avons découverts lors de cette étape ont été tournés...en trois jours ! Nous sommes en avril 2011 et le cinéaste profite de sa rétrospective au festival de Dubaï pour assouvir sa soif compulsive de filmer (outre sa série « phare », Courant a tourné des heures de « Carnets filmés »).

Pour le spectateur occidental, les personnalités filmées sont parfaitement inconnues mais Courant nous offre un panorama assez impressionnant de l'univers artistique du monde arabe. La promiscuité des différentes nationalités qui défilent devant sa caméra est assez étonnante. Un cinéaste irakien (Oday Rasheed n°2394) voisine avec un vieil acteur koweïtien (Mohammed Almunai n°2390), une journaliste égyptienne (Mervat Omar n°2376) côtoie un critique de cinéma palestinien (Bashar Ibrahem n°2388), un producteur de Bahreïn (Bassam Al-Thawadi n°2372) précède un directeur artistique émirati (Ahmed Hassan Ahmed n°2382)...

 

Au risque de me répéter, les cinématons tournés à Dubaï semblent marquer une sorte d'apogée dans la période « vidéo » de la série. En effet, Courant a définitivement (?) opté pour des portraits en noir et blanc et retrouve, en quelque sorte, la fraîcheur de ses débuts. Il ne se passe pas « grand chose » dans tous ces portraits mais la lumière forte du soleil qui « cuit » les arrière-plans et les rend presque « invisibles » donne un certain cachet à ces films.

 

Parmi ceux qui « font » quelque chose, citons trois intrépides modèles qui prennent le risque de manger devant la caméra alors que cette action n'est jamais très « glamour » en gros plan (beaucoup sont tombés sur Kechiche à cause de ça!). Si la charmante comédienne marocaine Samira Mesbahi (n°2397) s'en tire élégamment en croquant des croissants avant d'imiter le poisson, Hassan Kiyany (n°2385), cinéaste émirati, en met parfois un peu à côté. Quant à Nasser Al Yaqoobi Al Zaabi (n°2384), il parvient au bout de l'épreuve avec les honneurs.

 

Je soulignais plus haut une sorte de « retour aux sources » de Cinématon : est-ce une coïncidence si on assiste au cours de ce festival à une sorte de recrudescence de la cigarette fumée devant la caméra ? Ce geste, si familier au cours des années 80, est pourtant devenu de plus en plus rare dans le film à mesure que les années passent.

Plus classiques, certains jouent avec leurs mains pour mimer le cadre d'un plan (le cinéaste iranien Mohammad Reza Fartousi n°2379, Waleed Al Shehhi n°2398) ou prennent en photo Gérard Courant en train de les filmer (Hussein Al Najjar n°2399, employé irakien du festival).

 

Une fois de plus, il est amusant d'observer l'attitude des modèles face à la caméra : la ravissante Layal Assaf (n°2371), très à l'aise, pose devant la mer et se tourne afin de montrer ses deux profils tandis que la plus timide Sarah Ahmed (n°2375) arbore un magnifique sourire mais évite soigneusement de fixer la caméra. Du coup, elle ne sait plus où regarder...

J'étais en train d'élaborer une théorie sur l'attitude très décontractée des syriens lorsque la voix de la sagesse m'a un peu modéré en soulignant avec justesse qu'il était un peu cavalier de tirer des généralités à partir de deux portraits. Toujours est-il que le présentateur de télévision Subhy Otry (n°2374), chemise ouverte et coiffure à la mode (avec gel de rigueur) n'hésite pas à se lever, à sortir du champ et à montrer ainsi un jean élimé tout à fait conforme au style du personnage. Moins « arrogant », le journaliste Ibrahim Haj Abdi (n°2378) a lui aussi la panoplie complète du séducteur de festival : gel dans les cheveux, lunettes de soleil et la cigarette fumée nonchalamment.

 

Pour terminer, signalons les portraits où Gérard Courant fait d'hitchcockiennes apparitions, que ce soit dans les lunettes de la canadienne Maria Herman (n°2393) ou derrière une vitre au cours du portrait de la française Delphine Garde-Mroueh (n°2387). Mais la plus belle de ces apparitions est indéniablement celle du portrait « gigogne » du cinéaste émirati Saleh Karama (n°2386) qui pose dans des toilettes, devant un miroir qui offre ainsi une belle perspective en diagonale : le modèle, son reflet et le cinéaste, très concentré, qui filme sur le côté droit du plan. Dans ce lieu insolite, Saleh Karama joue avec de l'eau et s'en met sur le visage pour faire mine qu'il pleure. Mais au-delà de ses gestes, c'est la composition de ce plan qui attire l'attention du spectateur...

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