Cinématon 1081-1110 (1988-1989) de Gérard Courant

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Daniel Schmid Cinématon n°1108

 

L’étape du jour nous a permis de revoir deux très beaux portraits qui figurent à une très haute place dans mon panthéon personnel.

Le premier, c’est celui du cinéaste arménien Sergueï Paradjanov (n°1083) qui parvient à recréer son propre univers en composant un décor avec du tissu, de la fourrure et en posant (en habit traditionnel) avec une rose dans la main et une sorte de « corbeille » dans l’autre. Il ne manque plus que des chants orthodoxes et ce Cinématon en forme d’icône serait complet. Cette rencontre avec l’auteur de Sayat Nova (qui ne fait absolument rien, précisons le) se révèle assez magique et fascinante.

L’autre très beau moment est la rencontre avec Daniel Schmid (n°1108). L’histoire de ce Cinématon mérite qu’on s’y arrête. Au début des années 80, Gérard Courant filme le cinéaste suisse à Locarno, dans une piscine. Malheureusement, le film est perdu par les laboratoires Kodak (probablement mal étiqueté et envoyé à un autre destinataire). En 1989, à l’occasion d’une rétrospective de ses films à Paris, Schmid retrouve Courant et lui demande de faire expressément son Cinématon. Quelques jours plus tard, en effet, il doit subir une opération des cordes vocales importantes et, surtout, c’est la première fois au monde que les chirurgiens vont opérer de cette manière. Le cinéaste sortira indemne de cette opération (même s’il nous a malheureusement quitté en 2006) mais cette anecdote rend encore plus émouvant ce portrait où il présente les photos des gens qui ont compté dans sa vie : sa famille, les cinéastes amis (Fassbinder, Sirk, Schroeter…), sa troupe de comédiens (Ingrid Caven, Bulle Ogier, Maria Schneider…).

Si le Cinématon permet au modèle filmé de dévoiler sa véritable personnalité, Schmid parvient à montrer de belle manière l’importance des autres dans la constitution du Moi.

 

Entre ces deux grands moments, quelques célébrités vont venir montrer leurs bobines. En  premier lieu, l’égérie warholienne  Ultra-Violet (n°1084) qui arbore un magnifique chapeau et…mange des fleurs !

Puisque c’est Henri Veyrier (n°1086) qui a édité le livre de Courant sur les milles premiers Cinématons, il était logique qu’il se fasse filmer. L’éditeur présentera à la caméra quelques exemples des ouvrages sur le cinéma qu’il publia (sur John Wayne, Paul Newman…) en se gardant bien de montrer les collections qu’il finança en sous-main (les mythiques éditions La Brigandine, par exemple).

On reconnaît également le visage impassible du scénariste (de Polanski, entre autres) Gérard Brach (n°1094) et celui d’un fidèle complice du cinéaste (c’est sa deuxième apparition) Alain Paucard qui utilise cette fois, à l’occasion de la sortie (?) de son polar L’horreur d’été son pseudonyme Humphrey Paucard (n°1088) en recréant une ambiance de film noir : cigare, whisky et « séries noires » en arrière-plan. Il ne manque que les petites pépées mais c’est dans la série Couple que Paucard les convoquera.  

 

Ne négligeons cependant pas les noms moins célèbres car certains réservent de bonnes surprises. Youssef Francis (n°1081), par exemple, se sert d’une vitre placée devant la caméra pour effectuer un petit dessin, un peu à la manière de Picasso dans le film de Clouzot (toutes proportions gardées, bien entendu).

Rémi Cabel (n°1087), agent administratif, s’en tire aussi assez bien. Dans un premier temps, il fait mine de se suicider avec un revolver. Mais avant de commettre l’acte fatal, il commence à feuilleter un certain nombre de livres qui semblent beaucoup l’amuser. Ces livres, ce sont Les condamnés à vivre de London, La vie est dégueulasse de Léo Malet et d’autres réjouissances signées Kierkegaard (je pense qu’il s’agit du Traité du désespoir même si je ne suis pas parvenu à voir le titre) et Cioran. En tous cas, même s’il n’est pas un très bon acteur, il prouve qu’un simple agent dans l’administration peut avoir beaucoup de culture ! Rappelez-moi le nom de l’abruti qui déclarait qu’il était inutile d’avoir lu La princesse de Clèves pour travailler à un guichet ?

L’artiste plasticien José Gerson (n°1095) fait assez fort dans la catégorie « Cinématon hystérique » puisqu’il saisit compulsivement toute sorte d’objets, fait mine de se hacher le crâne, cache son visage derrière des photos publicitaires en faisant passer sa langue dans un petit trou correspondant à la bouche des modèles, embrasse sa compagne (du moins, on le suppose) avant d’ingurgiter tout ce qui lui passe sous la main (barres chocolatées, lait concentré…). Drôle mais épuisant !

Plus sobre, l’écrivain François Coupry (n°1097) tient une feuille blanche devant son visage qu’il va découper petit à petit avec une paire de ciseau, nous révélant peu à peu sa figure. Michel Poirier (n°1100) se dissimule lui aussi derrière une série de masques (on retrouve d’ailleurs celui de Groucho Marx) et pose devant les affiches du film de Courant Les aventures d’Eddie Turley.  

Pour terminer, citons la bonne idée de Monique Sabbah (n°1106) qui pose devant une pyramide du Louvre tout juste inaugurée quelques mois auparavant…

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Daniel Schmid Cinématon 1108

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