Cinématon 2101-2130 (2005-2006) de Gérard Courant

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Jaap Pieters Cinématon n°2115

 

Le comédien Philippe Loyrette (n°2117) ne fait absolument rien à l'écran le temps que dure son portrait. Et pourtant, son Cinématon est historique et marque le début d'une nouvelle ère. En effet, suite à l'arrêt de la production du Kodachrome et l'impossibilité de développer la pellicule en France, Gérard Courant abandonne le Super 8 et filmera désormais sa mythique série en mini-DV.

Ce changement de support induit un changement dans l'esprit même de Cinématon puisque la durée des films était commandée par la longueur de pellicule (comme au temps des frères Lumière) et qu'il y a désormais quelque chose d'un peu artificiel à couper à 3 minutes et des poussières un enregistrement vidéo.

Le cinéaste nous a d'ailleurs confié qu'il avait songé à faire des Cinématons d'une heure, soit la durée d'une cassette. Mais si cette durée est envisageable pour ses « carnets filmés » en mouvement (voir ces longs plans-séquences où il déambule au cœur d'une ville), elle est difficilement acceptable pour un simple portrait (ou alors comme expérience limite : Cf. Warhol). Finis donc le couperet brutal de la fin des bandes Super 8 et la beauté du grain de ce format.

La cinéaste Lisa Rovner (n°2116) fut donc la dernière (provisoirement?) à avoir été filmée en Super 8. C'eut été encore plus fort si Gérard Courant s'était arrêté avec le cinéaste hollandais Jaap Pieters (n°2115) : non pas parce qu'il fait quelque chose d'extraordinaire à l'écran (il reste de marbre) mais parce qu'il a été filmé à Montreuil, dans l'appartement du cinéaste, devant l'imposante collection de bobines de son film en cours.

 

Pour l'amateur que je suis du format Super 8, l'image vidéo paraît beaucoup trop « lisse ». Les sujets filmés se détachent désormais beaucoup moins d'un arrière-plan beaucoup plus net. Mais paradoxalement, c'est aussi ce qui séduit dans ces « nouveaux » Cinématons : les décors dans lesquels évoluent les « cobayes » de Gérard Courant. Désormais, les roses que l'on peut voir derrière Marie Decout (n°2124) ont pratiquement autant d'importance que les faits et gestes de la jeune femme (qui fait des bulles de savon). On admire également la netteté de la fontaine bruxelloise devant laquelle se détache le visage (souvent de dos) de Gaëlle Vu (n°2120) ou encore le jardin public où Alain Cabaux (n°2123) s'amuse à changer de couvre-chef (un casque de moto, une casquette, un casque de radio...).

Au cours de ce séjour belge (un de plus!), on aura l'occasion de voir la quatrième apparition d'un téléphone portable : le critique et organisateur de festival Luciano Barisone (n°2126) s'amuse à prendre des photos avec son appareil tandis que l’œil du spectateur est attiré par l'agitation qui a lieu côté cuisine (le film a sans doute été tourné dans une brasserie ou un restaurant).

 

C'est le plus fidèle complice de Gérard Courant qui aura l'honneur d'être le troisième « cinématoné » en vidéo. Joseph Morder (n°2119) avait été déjà l'un des premiers à apparaître dans la série (n°21), il était normal qu'on le voit revenir pour la cinquième fois. Devant les remparts de La Rochelle, le cinéaste mime un hoquet qui le pousse à sautiller pendant un bon moment. Et il prouve une fois de plus qu'il est un bon et facétieux comédien !

 

Avant d'attaquer cette série en vidéo, nous aurons été confrontés à une série de Cinématons très « gay friendly » et parfois assez hard. Contrairement à ce que je croyais, certains auraient fort bien trouvé leur place dans l'anthologie des « érotiques » de Gérard Courant.

Le premier à se lancer est le cinéaste Rémi Lange (n°2101), beaucoup moins sage que lors de son premier passage. Posant devant une affiche où trône un beau mâle, l'auteur des Yeux brouillés et d'Omelette se lève soudainement, se déculotte et, de dos, se masturbe frénétiquement. Quand il consent à nous remontrer son visage et non plus son derrière, on constate qu'une substance blanche et visqueuse macule l'affiche et que notre bonhomme va la goûter. Y a-t-il eu « trucage » ? Je n'en sais rien et je suis donc bien incapable de vous dire s'il s'agit d'un film soft ou non simulé !

 

Sport et sueur sont également au programme du portrait de Salim Kechiouche (n°2102), comédien vu essentiellement chez Gaël Morel, puisque ce grand amateur de boxe passe son temps à faire de la corde à sauter puis à faire mine de taper sur un punching-ball.

Corrine (alias Sébastien Vion, n°2103) apparaît d'abord déguisé en femme et va utiliser son temps à l'écran pour se déshabiller (totalement!) et se démaquiller.

 

Deux comédiens vont avoir recours à un accessoire peu usité dans Cinématon : le godmiché ! Ilmann Bel (n°2108) (acteur dans les pornos homosexuels de Cadinot), en sueur, commence par aguicher la caméra avec sa langue lorsqu'un braquemart en latex fait une irruption dans le champ. Il va le taquiner un peu, le lécher et l'attraper à pleine bouche tandis qu'un deuxième apparaît de l'autre côté.

Halim Anou (n°2109) (qui a joué chez Rémi Lange) se contente de tenir le sexe en caoutchouc et de lui enfiler un préservatif. Apparaissent d'abord des bulles de savon avant que le jeune homme ne se fasse arroser avec du lait (on subodore le symbole!).

L'artiste de cabaret Monsieur Katia (n°2111) s'amuse également à faire des mimiques aguicheuses jusqu'au bout de son film où il finit par se lever en cachant plus ou moins maladroitement l'objet du délit entre ses jambes (seuls les plus naïfs persisteront cependant à le prendre pour une femme!)

 

Moins « hard » mais tout aussi « viril », le portrait du critique Mathieu Lecerf (n°2107) qui pose torse nu et, Narcisse, n'hésite pas à se lever de temps en temps pour bien montrer son corps ; ou encore celui de l'artiste Pascal Lièvre (n°2112) qui, sur un fond rouge, se barbouille le visage et le haut du torse avec du rouge à lèvres. Peut-être est-ce un hommage à Alphonse Allais, auteur du premier monochrome de l'histoire de la peinture et qui avait intitulé sa toile : Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques au bord de la Mer Rouge !

 

Pour terminer cette série assez orientée, même Pierre Macherez (n°2113), comédien qui a tourné avec Carax, Rozier et Garrel, se retrouve chez Courant...avec une perruque de femme sur la tête.

 

Même après plus de 2100 numéros, ce film-fleuve parvient toujours à nous surprendre !

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