Le refuge (2009) de François Ozon avec Isabelle Carré, Louis-Ronan Choisy, Melvil Poupaud, Marie Rivière

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Promis, on ne m’y reprendra plus ! C’est la dernière fois que je me fais avoir : à moins d’un changement radical de style ou d’une tentative de projet réellement risqué ; je n’irai plus voir au cinéma les films de François Ozon. Je confesse avoir beaucoup aimé les premiers courts-métrages du cinéaste et n’avoir pas été allergique à ses exercices de style potaches (Sitcom, Gouttes d’eau sur pierres brûlantes) ou policiers (Huit femmes, Swimming pool). Mais depuis trois films, c’est la totale débandade : après l’assommant et académique Angel et la fable grotesque de Ricky, voici Le refuge, nouvel avatar de ce naturalisme à la française qui me hérisse tant le poil.

Les premières séquences du film sont absolument ignobles, jouant à la fois sur un vérisme glauque de pacotille (le couple de junkies qui s’injecte de l’héroïne dans les veines en gros plan) et une artificialité totale. Tandis que Louis meurt (Melvil Poupaud), Mousse apprend qu’elle est enceinte et décide de fuir la famille du défunt en s’installant dans la maison d’un quelconque ex au bord de l’océan.

Après une confrontation avec la « belle-mère » bourgeoise d’un ridicule achevé (dire que certains ont reproché à Dumont son côté caricatural !), le film s’engouffre dans une voie plus apaisée, où Mousse va apprendre à accepter sa maternité en compagnie de Paul, le frère de Louis.

Ce qui frappe dans Le refuge, c’est la laideur constante de la mise en scène. Pratiquement tout est filmé en gros plans avec de longues focales qui anéantissent toute profondeur de champ. Si ce parti pris peut-être intéressant lorsqu’il est utilisé comme un véritable principe plastique (Cf. Cœurs de Resnais), il ne sert à Ozon qu’à filmer des dialogues en champ/contrechamp, soulignant lourdement la dimension « psychologique » de l’œuvre. La laideur des premières séquences (la drogue, l’enterrement…) déteint sur l’ensemble d’un film où rien ne se détache de ce « fond » uniforme et inexistant. Seuls quelques plans « cartes postales » grotesques (les silhouettes du couple de petits pédés se détachant sur un fond d’océan) ont comme vocation d’aérer le déroulement morne de ces tunnels de champs/contrechamps.

Lancé comme l’un des « auteurs » les plus prometteurs et novateurs du cinéma français, le boulimique Ozon ne fait désormais plus que du Pierre Granier-Deferre (et encore, je suis vache car des films comme Cours privé ou Une étrange affaire sont infiniment supérieurs au Refuge) : de la bonne tambouille psychologisante et naturaliste.

Le refuge est un téléfilm de luxe dont les images ne font qu’illustrer un scénario bétonné jusqu’au moindre détail. Si je parle de téléfilm de « luxe », c’est qu’Ozon bénéficie du jeu très « pro » d’Isabelle Carré, qu’on a par ailleurs connu meilleure. Elle n’est pas mauvaise mais elle est seulement « professionnelle », capable de verser une larme sans en faire trop quand on lui demande. Mais jamais son personnage n’acquiert la moindre épaisseur, la moindre ambiguïté tant tout semble décidé en amont sur le papier. Face à elle, Louis-Ronan Choisy est d’une fadeur à toute épreuve, dans la lignée de ces gravures de mode « gays » qu’affectionnent Ozon et quelqu’un comme Christophe Honoré.

Si la forme du film est affligeante, on ne peut pas dire que le « fond » relève le niveau. Depuis quelques films, Ozon semble obnubilé par les joies (sic) de la maternité.

A ce titre, la seule curiosité que pourrait éventuellement susciter Le refuge, c’est de voir la manière dont le cinéaste filme le corps d’une actrice réellement enceinte. Or il ne fait rien de ce corps, si ce n’est encore une fois quelques cartes postales assez niaises : Isabelle Carré dans son bain mais dans une eau suffisamment troublée pour ne laisser voir que son ventre qui dépasse, les mains de Paul qui caressent fébrilement ce ventre « qui bouge » (ah ben ça alors, quel miracle que la vie !)… Nous sommes loin d’Ornella Muti filmée par Ferreri dans Le futur est femme !

Nous pataugeons ici, même si Ozon fait mine de noircir un peu le tableau, dans l’éloge niaiseux des extases post-natales. Alors pour nous changer les idées, je vous propose de conclure la critique de ce film sans intérêt par un petit extrait de L’extricable de Raymond Borde (les lecteurs de Positif connaissaient-ils de telles mœurs au fondateur de la Cinémathèque de Toulouse ?). N’ayant pas l’exemplaire de mon livre sous la main, je vous livre un court passage qui figure dans L’Anthologie de la subversion carabinée (Noël Godin ayant le don pour sélectionner les extraits les plus saignants) qui vous consolera de la niaiserie dégoulinante du Refuge :

 

« La pornographie commence avec la grossesse. Avant, tout est merveilleux : baiser, branler, sucer, rêver. Après, tout est sale. Un ignoble cancer dévore le ventre de la femme. L’être aimé se dégrade, il s’alourdit comme une vache, suinte les eaux, fait un gosse comme on fait un pot, et il atteint les limites de l’horreur : il devient une mère. 

Je demande qu’on en finisse avec la poésie florale de la naissance. (…) »

 

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