Sport de filles (2011) de Patricia Mazuy avec Marina Hands, Bruno Ganz, Josiane Balasko
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Hasard calendaire : le nouveau film de Patricia Mazuy sort la même semaine que le dernier Akerman et peu de temps après le nouvel opus de Cédric Kahn (Une vie meilleure). Or il se trouve que ces cinéastes ont tous participé, il y a une quinzaine d'années, à l'excellente série de téléfilms produits par Arte Tous les garçons et les filles de leur âge.
En découvrant Sport de filles, je me demandais si c'était moi qui avais beaucoup changé depuis cette époque où je découvrais avec enthousiasme ces films ou si c'est une certaine idée de ce cinéma d'auteur à la française qui s'est encroûtée (d'ailleurs, est-ce que Téchiné et Assayas ont fait mieux que Les roseaux sauvages et L'eau froide?). Kahn n'a plus tourné un film intéressant depuis L'ennui et, éventuellement, Roberto Succo tandis que Chantal Akerman ne m'a jamais autant touché qu'avec son Portrait d'une jeune fille à la fin des années 60 à Bruxelles.
Le cas de Patricia Mazuy est encore plus rageant car je considère son Travolta et moi comme un véritable petit chef-d’œuvre et l'un des plus beaux films de la collection. Or après, nous avons eu droit à un Saint Cyr pas inintéressant mais plutôt engoncé et à un abominable navet télévisuel (La finale). Il semblerait que depuis Basse-Normandie (que je n'ai pas vu), la réalisatrice ne s'intéresse plus désormais qu'aux chevaux.

Voilà donc Gracieuse (Marina Hands), jeune femme revêche qui se retrouve engagée dans un haras où officie l'un des meilleurs dresseurs de chevaux au monde : Franz Mann. Sport de filles sera à la fois le portrait d'une héroïne issue d'un milieu modeste en butte à un univers qui n'est pas le sien (celui des compétitions internationales, de la spéculation et du fric qui coule à flot) et une plongée dans le monde de l'équitation et du dressage.
Le plus intéressant, mise à part une excellente direction d'acteurs (Ganz et Hands sont parfaits et c'est surtout Josiane Balasko, dans un rôle à contre-emploi, qui tire son épingle du jeu), reste la manière dont Patricia Mazuy met en lumière les « rapports de classe ». Comme la plupart de ses héroïnes (voir Peaux de vaches), Gracieuse est une fille d'origine modeste qui se fait voler le fruit de son travail (la plus-value est toujours du côté des « maîtres »). Le film décrit donc une longue lutte pour la reconnaissance jusqu'au moment de la « dépossession ».
Cela nous vaut une belle séquence, à la fin du film, où Marina Hands présente à son entraîneur (et à ses proches) le numéro qu'elle a répété clandestinement. La chorégraphie équestre acquiert une certaine force dans la mesure où elle est filmée en une série de champ/contrechamp entre la performance et le regard de ceux qui vont la spolier.

A côté de cela, le film est très décevant. D'une part parce qu'il assène un « programme » assez convenu jouant sur des oppositions basiques. Si l'héroïne s'appelle « Gracieuse », c'est bien entendu parce qu'elle a un caractère de cochon. Et comme elle ne s'intéresse qu'aux chevaux, il faut bien montrer à côté de cela qu'elle « n'aime pas les gens » (comme lui reproche son prétendant) et que sa vie sentimentale est lamentable.
D'autre part, le film souffre d'une mise en scène sans souffle, parfois boiteuse et incapable de donner de l'intensité à une histoire dont le spectateur, qui se fiche des chevaux à peu près autant que  de la campagne présidentielle ou qu'un décret agricole européen, peine à voir l'intérêt.
Une preuve parmi d'autres ? La manière dont Patricia Mazuy utilise la musique de John Cale. Plutôt que d'en faire un acteur à part entière, elle utilise ce son rock'n'roll (excellent d'ailleurs) pour illustrer des scènes d'équitation et gonfler artificiellement leur rythme. Par ailleurs, je ne les trouve pas vraiment bien filmées. Je sais bien que nous ne sommes plus au temps des règles de grammaire cinématographique immuables mais ce recours intempestif aux faux-raccords et aux « sautes » entre les plans (parce que le changement d'angle n'est pas assez prononcé ou parce que la cinéaste reste dans le même axe sans suffisamment varier l'échelle des plans) donne un côté boiteux au film et un poil poseur.

Là encore, on pourra s'interroger sur l'incroyable accueil dont a bénéficié ce film alors qu'il représente un nouvel avatar de ce cinéma d'auteur français étriqué et sans réel grâce...

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