Des filles pour un vampire (1961) de Piero Regnoli avec Walter Brandi, Lyla Rocco, Maria Giovannini (éditions Artus films). Sortie le 1er juin 2010.

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S’il y a de nombreuses raisons de râler après les distributeurs de films qui tuent peu à peu toute la diversité du cinéma en salles en inondant le parc disponible des mêmes copies ou en programmant un nombre considérable de sorties le même jour ; il faut également se féliciter de la belle vitalité de l’édition du DVD en France. Quand je parle de « vitalité », je ne fais pas référence ici à la réalité économique de la chose (pour être tout à fait franc, j’ignore totalement si le marché est prospère ou en crise) mais du panel extrêmement diversifié des titres et genres proposés. Des maisons comme Carlotta ou Montparnasse font un fabuleux travail de redécouverte du patrimoine cinématographique et/ou du cinéma d’auteur le plus exigeant. Les éditions Wild Side nous offrent en ce moment des collections totalement barrées nous permettant de redécouvrir du cinéma bis américain (Castle, Corman…), des « romans pornos » japonais ou encore les classiques du X américains. Je ne peux pas les citer tous mais nombreuses sont les éditeurs de DVD qui effectuent un travail de grande qualité (Re :Voir pour l’expérimental, Blaq Out, K films, Potemkine, La vie est belle…).

Et puis, il y a ceux (Le chat qui fume, Opening, Bach films) qui se sont spécialisés dans le cinéma d’exploitation et la série Z. Parmi ces courageux éditeurs, il ne faut pas oublier Artus films, petite maison d’édition dont je vous avais déjà parlé à propos de la youpitante collection dédiée à la « nazisploitation » estampillée Eurociné. Outre l’originalité des titres proposés, il faut louer un véritable travail éditorial effectué, se traduisant par des copies d’assez bonne qualité (même si le master est proposé en version française sauf le temps de quelques passages en anglais, sous-titrés en français) et, surtout, de copieux bonus.

Nous aurons droit ici à un court-métrage de Thierry Lopez qui rend assez joliment hommage au Nosferatu de Murnau et à un panorama du vampirisme transalpin détaillé par l’érudit Alain Petit qui en profitera également pour évoquer avec gourmandise les riches heures du Midi-Minuit (Petit fait partie de ces personnes rares qu’à l’instar de gens comme Bouyxou, Bier, Zimmer et quelques autres on pourrait écouter pendant des heures).

 

Et le film dans tout ça ? Sans doute pas un chef-d’œuvre (sachons raison garder) mais une délicieuse curiosité issue de la nuit des temps. Piero Regnoli n’a pas laissé beaucoup de traces dans l’histoire du cinéma même si les spécialistes du bis se souviennent avec une certaine bienveillance de son Maciste dans les mines du roi Salomon (inutile de dire que nous rêvons désormais de voir ce film) et qu’il est davantage reconnu comme scénariste (du .Navajo Joe de Corbucci à l’ineffable  Manoir de la terreur de Bianchi).

 

Avec Des femmes pour un vampire, il emboîte le pas à Riccardo Freda qui réalisa en 1957 Les vampires et qui lança une mode du film d’épouvante gothique qui prendra encore plus d’ampleur après le succès international du Cauchemar de Dracula de Terence Fisher.

Le scénario tient sur un ticket de métro : une troupe de danseuses, accompagnée d’un impresario et du chauffeur de bus, se retrouve coincée, suite à une tempête (le spectateur rigolard ne manquera pas de noter que tous les plans en extérieur se déroulent sous un soleil radieux !), dans un château où vit un mystérieux comte (le comte de Kernassy). Je ne vous dévoile pas la suite mais vous pouvez la deviner : morts mystérieuses et apparitions terrifiantes d’un vampire…

L’intérêt du film ne tient évidemment pas dans les articulations bien rouillées du récit mais dans la manière dont le cinéaste tente d’instaurer une atmosphère gothique et inquiétante. Tous les ingrédients du genre y sont : les couloirs lugubres du château, les cercueils, les laboratoires cachés dans les caves, les domestiques inquiétants, l’ambiance orageuse… Regnoli ne parvient jamais à se hisser au niveau des chefs-d’œuvre du gothique italien (Le masque du démon de Mario Bava, Danse Macabre de Antonio Margheriti) mais ses efforts sont louables et le résultat pas méprisable.

A cette atmosphère macabre, il faut ajouter la petite touche d’érotisme suranné qui donne tout son charme au film. Même si l’on ne trouvera rien ici qui puisse choquer le plus puritain des prêtres ou un député UMP, le cinéaste prend un malin plaisir à filmer ses danseuses en nuisettes transparentes ou dans d’affriolantes guêpières sachant parfaitement mettre en valeur les formes généreuses des comédiennes. Dès le début des années 60, le vampirisme fait bon ménage avec l’érotisme même si celui-ci reste totalement « soft » (un numéro de strip-tease est interrompu inopinément au moment où la danseuse allait se débarrasser de son encombrant soutien-gorge).  

Au final, voilà une série Z aussi désuète qu’irrésistible, à réserver aux amateurs de curiosités en tout genre…

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