Magic in the moonlight (2014) de Woody Allen avec Emma Stone, Colin Firth

 pasmal.jpg

Une fois de plus, Woody Allen va donner du grain à moudre à ses détracteurs (que je trouve de plus en plus nombreux alors que des cinéastes infiniment plus médiocres possèdent désormais une sorte « d'immunité critique »). Magic in the moonlight n'est pas, effectivement, son plus grand film et il est même inférieur au cinglant Blue Jasmine qui nous avait enchantés l'an passé. Il s'inscrit dans cette veine « rétro » du cinéaste qui donna parfois de forts beaux résultats (de Radio days à Ombres et brouillard) et qui, aujourd'hui, affiche quelques signes d'essoufflement.

Entre le cabaret à Berlin dans les années 20 puis la lumière mordorée du sud de la France, Woody Allen évite parfois de justesse le côté « carte postale » qui constituait le principal défaut de films comme Midnight in Paris et To Rome with love. Il y a donc dans Magic in the moonlight un petit côté pépère et figé, un académisme un peu poussiéreux qui affleure ça et là (dans quelques scènes de dialogues) et qui empêche d'adhérer totalement au projet.

De la même manière, la dimension romanesque qui constitue l'indéniable force de l’œuvre entière de cet immense cinéaste ne fonctionne qu'à moitié. Si le postulat du film (un magicien est engagé par un ami pour confondre une prétendue médium qui s'apprête à faire main basse sur la fortune d'une richissime famille française) est plutôt intriguant et que le spectateur croit immédiatement à ces deux personnages (incarné avec beaucoup de verve par Colin Firth et beaucoup de charme malicieux par Emma Stone) ; la construction du récit se révélera assez mécanique, avec un coup de force scénaristique relativement classique.

Alors que Woody Allen est un as pour peindre des personnages complexes et pour tisser des liens compliqués entre les êtres, il reste ici à la surface des choses (le fiancé neuneu qui passe son temps à roucouler des sérénades en jouant du ukulélé) et se contente de boucler son récit de manière assez conventionnelle.

 

Pourtant, en dépit de tous ces défauts, Magic in the moonlight distille un charme suranné dont on aurait tort de se priver. Aussi mineur soit-il, ce film possède de véritables qualités d'écriture, à la fois dans les dialogues (forcément!) mais également d'écriture cinématographique puisque certaines séquences s'avèrent très réussies, d'une élégance et d'une délicatesse rares. Je pense notamment à la séquence de l'observatoire (où Woody Allen renoue avec son obsession de la pluie comme élément romantique et érotique) mais aussi à la superbe scène finale où il ne faut pas plus d'un coup de bâton sur un plancher au cinéaste pour nous faire venir le sourire aux lèvres et les larmes aux yeux.

 

Même si on peut lui reprocher d'aborder le thème de manière un peu théorique et mécanique, Woody Allen nous propose une fois de plus une réflexion sur ce qui reste l'une de ses principales obsessions : les vertus de l'illusion. On ne compte plus le nombre de films, de La rose pourpre du Caire à l'excellent Sortilège du scorpion de Jade en passant par Alice et Scoop, où les personnages se réfugient dans l'illusion et la magie. En Woody Allen cohabite deux facettes : d'un côté, le misanthrope athée qui ne croit en rien et surtout pas en l'au-delà promis par les religions. Le magicien rationaliste, amer et cynique qu'incarne Colin Firth évoque parfois le fabuleux misanthrope joué autrefois par Larry David dans Whatever works (sans doute mon film préféré de Woody Allen depuis le changement de millénaire). De l'autre, il y a l'amoureux des arts et du spectacle qui s'allongeait sur le divan dans Manhattan pour énumérer tout ce qui l'aidait à rester en vie. Le cinéaste a toujours montré la supériorité de l'Art sur la vie et le refuge qu'il peut constituer. Néanmoins, et c'est encore une fois le propos de Magic in the moonlight, cette illusion est douce et salvatrice à condition qu'on garde à l'esprit qu'il ne s'agit que d'une illusion. Sinon, ce beau rêve risquerait de devenir une imposture (autre grand thème allenien).

 

Je ne révélerai pas les surprises que réserve le scénario mais toujours est-il que Woody Allen, malgré son pessimisme foncier, joue la carte euphorisante de la comédie romantique. Du coup, même si la magie n'existe pas, qu'il n'y a pas d'ailleurs merveilleux, il reste néanmoins un espoir hors du désespoir auquel devrait nous confier la triste raison scientifique. Cet espoir, c'est peut-être finalement moins l'illusion du spectacle que ces moments où, en dépit de toute logique et de tout bon sens, un être s'éprend d'un autre être. Alors on reprochera sans doute au film d'être un peu fleur bleue mais finalement, ça fait beaucoup de bien.

Face à la tristesse du monde, c'est toujours une bonne chose d'exalter l'ultime folie douce qui nous met du baume au cœur : l'amour...

Retour à l'accueil