Eloge du bricolage
Soyez sympas, rembobinez (2008) de Michel Gondry avec Jack Black, Mos Def, Danny Glover, Mia Farrow, Sigourney Weaver
Difficile de cerner totalement le cinéma de Michel Gondry. Du médiocre Human nature à La science des rêves en passant par son fameux (et sans doute un poil surestimé) Eternel sunshine of the spotless mind, tous ses films sont de curieux mélanges de roublardise et de sincérité, de bricolages ludiques inventifs et de grosses ficelles narratives assez banales, d’authenticité et de maniérisme branché.
Soyez sympas, rembobinez ne fait pas exception à la règle.
En tentant de saboter une centrale nucléaire, Jerry se fait électrocuter et se retrouve magnétisé. En rendant visite à son ami Mike dans le vidéo-club dont il s’occupe provisoirement en attendant le retour de Mr Fletcher, le grand patron (Danny Glover) ; Jerry efface toutes les VHS, à savoir la totalité du fonds de commerce de cette boutique menacée d’être rasée d’ici peu par les promoteurs immobiliers.
Pour satisfaire les demandes des clients, nos deux compères vont réaliser eux-mêmes des « remakes » de ces films effacés. Et il se trouve que ces films « suédés » vont connaître un immense succès chez les gens du quartier…
Le film démarre un peu lentement et, pour ma part, je pense que si j’ai eu un peu de mal à entrer dedans, c’est que je trouve l’acteur Jack Black dénué de tout charisme et de toute drôlerie. L’action se met en place de manière un peu laborieuse et l’on s’ennuie un peu (mise à part la tenue de camouflage des héros, la scène de « sabotage » de l’usine est ratée).
A partir du moment où le film aborde de front son sujet et se concentre sur les remakes bricolés de Mike et Jerry, il prend son rythme de croisière et s’avère fort drôle. Les tournages, que ce soit ceux de SOS fantômes, de Rush hour 2Miss Daisy et son chauffeur, 2001, l’Odyssée de l’espace ou Carrie, donnent lieu à de nombreux gags ou situations absurdes réjouissants. On retrouve également ce qui fait le charme des films de Gondry : un côté naïf, bricolé, à mille lieues des effets spéciaux impeccables. ou bien encore de
Les trouvailles du cinéaste ne sont pas que visuelles et le film regorge de situations drolatiques bien construites, comme ce passage où de jeunes voyous finissent par tirer au sort quels films ils pourront visionner le lendemain et se retrouvent avec… Le roi lion (je n’en dis pas plus mais la scène est tordante).
Un des charmes de Soyez sympas, rembobinez vient de l’hommage permanent que Gondry rend au cinéma et à la cinéphilie. Bien sûr, le côté vieil ado des personnages et leur goût indécrottable pour la VHS est le comble du chic branché (comme il est de bon ton de collectionner aujourd’hui les vinyles) mais le regard bienveillant du cinéaste nous permet de passer outre son penchant « petit malin ».
On sent que transpire chez lui l’amour du cinéma (ce qui n’est évidemment pas souvent le cas chez les gens qui viennent du clip !) et Soyez sympas, rembobinez illustre de manière assez jolie l’idée que les films les plus beaux sont ceux qu’ont reconstruit notre esprit. Car finalement, ce que proposent Mike et Jerry, ce sont des « classiques » revus par leurs yeux. Qu’importe ensuite la faiblesse des moyens du bord : le système D permet la jubilation de jouer, de raconter, de filmer, de bricoler. Et le film de se terminer sur une fable à la Capra où c’est le cinéma qui finit par recréer du lien, une mémoire commune (celle d’un quartier où aurait vécu Fats Wallers).
La construction du récit n’a rien de bouleversant mais Gondry le mène à bon port avec une redoutable efficacité.
Soyez sympas, rembobinez est un film qui a beaucoup de charme et d’ingéniosité. Manque peut-être ce « je ne sais quoi » qui fait la différence entre un grand cinéaste et un talentueux réalisateur qui a, malgré tout, peut-être un poil trop conscience de ses effets…