Vengeance (2009) de Johnnie To avec Johnny Hallyday, Sylvie Testud

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Mes amis, j'ai commis une grave erreur hier soir...

 

Ayant découvert il y a peu le très beau Sparrow ; le cinéaste Johnnie To, que j'apprécie sans parvenir à le porter au pinacle comme certains de ses thuriféraires, est remonté dans mon estime et mes souvenirs mitigés, embrumés par tant de gunfights et de tueurs en costards, adeptes du portable et des lunettes de soleil, ont cédé la place à un certain regain d'intérêt pour ce cinéma.

C'est donc en toute confiance que je me suis lancé dans le visionnage de Vengeance. Première erreur et le cinéaste le montre bien dans son film : il ne faut faire confiance à personne puisqu'il suffit d'une sonnerie derrière une porte pour que la fille de Johnny Hallyday (incarnée par Sylvie Testud) et ses deux petits-fils se fassent mitrailler sans pitié. La femme s'en sortira tant bien que mal mais notre « idole des jeunes » nationale aura désormais à cœur de se venger après cet atroce massacre.

 

Deuxième erreur (cette fois de la part du cinéaste) : faire confiance aux « mythes » français. Les mythes américains ont la bonne idée de mourir très jeunes pour ne pas mal vieillir (James Dean, Marilyn Monroe...) ou ont le talent de rester sublimes jusqu'à leurs derniers jours (Audrey Hepburn). Côté français, voyez ce qu'une femme superbe comme Brigitte Bardot est devenue : une odieuse rombière dont on ne voudrait pas sur un marché pour vendre du poisson. Quant à Johnny, indépendamment du fait que je ne l'ai jamais supporté en tant que chanteur, il fait peine à voir. Avec son visage tiré et ses cheveux trop teintés, il donne l'impression d'être une momie. Si certains étaient parvenus à tirer quelque chose d'intéressant de son « non-jeu » (Godard), il est ici absolument pathétique, aussi expressif qu'une bûche et totalement largué dans un jeu vidéo que même To ne prend guère au sérieux.

 

Hitchcock déclarait à Truffaut que « dans un film de genre, c'est la caméra qui fait tout le travail ». Essayons donc d'oublier un tant soit peu le scénario de Vengeance à côté duquel l’œuvre d'Alexandre Jardin passerait pour du Marcel Proust (en gros, des gangs qui passent leur temps à se tirer dessus) et concentrons-nous sur le travail formel de To.

 

Soyons honnête, il y a une belle séquence dans Vengeance, celle où Johnny recrute ses trois tueurs après leurs méfaits dans un hôtel à Macao. A ce moment, le cinéaste utilise à merveille le décor de ces longs couloirs vides et ses mouvements de caméra accompagnent brillamment, le long d'interminables escaliers, le ballet des personnages. On trouve alors tout ce qu'on aime chez To : cette manière d'orchestrer des fusillades ou des mouvements de personnages belliqueux comme de véritables chorégraphies. Sauf que ce formalisme exacerbé tourne ici à vide. Et pour revenir à Hitchcock, lorsqu'il évoque la primauté de la mise en scène sur le scénario, c'est toujours pour la mettre au service des personnages et de l'émotion. Ici, le cinéaste se contente d'une esbroufe aussi gratuite que lassante dans la mesure où l'action devient très vite extrêmement répétitive.

 

Lorsque Johnny annonce qu'il perd la mémoire parce qu'une balle est logée dans son crâne, on ne peut s'empêcher de ricaner tant ce coup de force scénaristique est artificiel et très mal incarné par le comédien. Ne reste alors plus que clins d’œil visuels (l'espèce de cerf-volant, les stickers...) qui font office de « griffe To » mais qui ne disent absolument rien, ne provoquent rien...Tout se passe comme si le cinéaste égrenait quelques petits cailloux comme autant de signes de reconnaissance pour la critique (oh l'allusion au Samouraï de Melville ! Ah le beau ralenti ! …) alors qu'il n'a plus rien à filmer sinon quelques fusillades ennuyeuses comme un jour pluvieux en Bourgogne !

 

On sort de Vengeance lessivé par tant de vacuité et d'idioties (surtout lorsqu'on songe à un immense film de vengeance comme Kill Bill!). Preuve que Johnnie To est certes capable du meilleur (encore une fois, il faut absolument découvrir le délicieux Sparrow) comme du pire. Oublions donc cet opus qui appartient, bien évidemment, à la deuxième catégorie...

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