Cutter's way (1981) d'Ivan Passer avec Jeff Bridges, John Heard, Lisa Eichhorn. Version restaurée inédite au cinéma depuis le 25 juin 2014. (Éditions Carlotta Films).

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Ivan Passer fait partie de cette nouvelle vague tchèque à laquelle la répression stalinienne du Printemps de Prague mit un terme en 1968. Moins connu que Forman dont il fut le scénariste (Les amours d'une blonde, Au feu les pompiers), il réalise son premier long-métrage en 1965 (Éclairage intime) puis s'exile aux États-Unis où il tournera la majeure partie de son œuvre.

Cutter's way est sans doute son film le plus célèbre et il ressort actuellement dans une version restaurée.

 

L’œuvre emprunte plusieurs directions. La première, c'est celle du thriller avec le meurtre mystérieux d'une jeune fille et l'enquête que mènent Cutter (John Heard) et Bone (Jeff Bridges) parce qu'ils soupçonnent un magnat de la ville.

Pour la deuxième, Passer emprunte la voie du drame psychologique avec un anti-héros vétéran du Vietnam traumatisé par cette guerre. Le crime irrésolu devient alors la métaphore des morts anonymes en première ligne au combat alors que ceux qui tirent les ficelles agissent toujours en toute impunité, ne sont jamais inquiétés.

Le troisième chemin est plus sentimental : le cinéaste s'intéresse à la figure tragique d'une femme brisée et aux sentiments qu'elle inspire à Bone. En effet, Cutter est revenu de la guerre infirme et alcoolique. Sa femme lui est restée fidèle mais elle doit supporter sa violence, ses sautes d'humeur, ses absences...

 

Tous ces éléments pris un à un ne sont pas inintéressants mais Passer a quand même un peu de mal à lier le tout de manière organique. Le récit a parfois un peu tendance à s'étioler et manque souvent de souffle. Par exemple, le côté « policier » est assez vite éludé. Bone est d'abord suspecté (il était sur les lieux du crime au même moment) mais il est vite relâché et il n'est plus question de la police. Quant au drame, il manque un peu de vigueur pour vraiment toucher.

Cutter's way est très bien interprété et l'on donnera une mention spéciale à John Heard, très convaincant dans le rôle de Cutter et à Lisa Eichhorn qui a pourtant un rôle un peu plus ingrat. Jeff Bridges est aussi très bien dans un rôle de l'ami fidèle un peu gigolo sur les bords. Mais le film manque un peu de style et la mise en scène peine à donner du tonus à l'ensemble.

La fin, que je ne révélerai pas, est très bien et par sa sécheresse, donne une ampleur à une œuvre qui en manque un peu.

 

Malgré ces quelques réserves, je le répète, le film n'est pas inintéressant. Passer ausculte avec une certaine finesse une Amérique en plein traumatisme post-Vietnam. Un sentiment de paranoïa semble avoir envahi toute une nation qui ne croit plus en ceux qui la dirigent et qui ont sacrifié une génération pour une guerre absurde. Le cynisme et l'amertume sont les termes qui caractérisent le mieux tous les personnages du film. Rien ne semble plus avoir de sens et seule un désir de vengeance leur offre une sorte de possibilité de « rédemption .

 

Il aurait fallu une ligne directrice plus forte et plus claire pour vraiment emporter l'adhésion. Reste une vision désabusée de l'Amérique qui mérite quand même le détour...

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