Ogroff (1982) de Norbert Moutier avec Howard Vernon, Jean-Pierre Putters, Alain Petit, François Cognard, Christophe Lemaire (Editions Artus Films)

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A l'heure des films que l'on peut bricoler seul chez soi et diffuser sans aucun problème sur You Tube ou autres sites de vidéos en streaming, on imagine assez mal ce que put représenter un film comme Ogroff (aussi connu sous le titre de Mad Mutilator : tout un programme!) il y a 30 ans.

Norbert Moutier, le sympathique réalisateur de cette inénarrable série Z, est un passionné de cinéma fantastique et de BD qui exerça la profession de comptable. Il créé à la fin des années 70 un fanzine intitulé Monster bis qui reste toujours une référence pour les amateurs de séries B et deviendra par la suite libraire spécialisé. Parallèlement à ses activités, il tourne en amateur de petits films gore qui ont la particularité d'être joués par des personnalités du monde du « bis » (Jean Rollin joua dans Dinosaur from the deep tandis que l'excellent Christophe Bier tient un des rôles principaux du Syndrome d'Edgar Poe). Dans Ogroff, « slasher » improbable tourné en Super 8 par une bande de potes les week-ends, on retrouve tout le gratin du fanzinat de l'époque. Et le seul intérêt du film est de voir Alain Petit se faire tronçonner les jambes en hurlant, Christophe Lemaire en zombie se faire transpercer le ventre par un pieu, François Cognard (critique pour Starfix, comme le précédent cité) déambuler en zombie lui aussi ou encore Jean-Pierre Putters, fondateur de Mad Movies, se retrouver dans cette œuvre proche de l'amateurisme.

 

Moutier est un dingue de fantastique et ça se sent. Il rend hommage à tous les films qu'il a pu apprécier. Son bûcheron psychopathe est un mélange savant entre Jason de Vendredi 13 et Leatherface de Massacre à la tronçonneuse. Et puisque le film dévie en cours de route, il finit aussi par des clins d’œil à Romero (La nuit des morts-vivants, Zombie) et aux morts-vivants sanguinolents de Lucio Fulci. Mais la comparaison s'arrête là : le film a été tourné pour des cacahuètes et se déroule entièrement (ou presque) dans la forêt domaniale d'Orléans (ce qui du point de vue de l'exotisme reste assez limité). Réalisé comme un film amateur, le récit est une succession de scènes gore pauvrement ficelées (un peu de barbaque offerte par le boucher du coin, une hache qui tombe sur du linge préalablement rougi...) et de situations sans queue ni tête (l'héroïne qui ne trouve rien de mieux à faire que de se réfugier...dans l'antre du tueur!). Ne parlons même pas des raccords hasardeux (ils le sont presque tous) et du doublage particulièrement calamiteux (les rares dialogues du film interrompent de façon brutale des bruits d'ambiance trop forts, sans le moindre étalonnage).

 

Pour être tout à fait clair, c'est un film de copains absolument nul et qui ferait passer l’œuvre d'Ed Wood pour du Cecil B. DeMille (en terme de budget). Le résultat n'est néanmoins pas désagréable et assez drôle au second degré (pour une soirée nanar entre copains, c'est le film idéal!) On est plus proche ici de « l'art brut » d'un Jean-Jacques Rousseau que des séries Z parfois géniales d'un Jean Rollin ou d'un Jess Franco.

 

Dans un des suppléments du DVD (qui sont très biens : d'abord un entretien avec Moutier qui a l'air d'un type fort sympathique et une série de témoignages de tous les fanzineux qui ont participé au film), Christophe Lemaire souligne assez justement le seul petit intérêt du film qui est sa dimension « poisseuse ». Moutier ne recule en effet devant rien pour choquer, allant jusqu'à faire découper à la hache un enfant par son Ogroff. L'antre de l'ogre est par ailleurs bien lugubre (ossements partout, vieux bouts de bidoche immondes...) et lorsqu'il vient s'y reposer, le tueur fait mine de se masturber...avec sa hache (il finit, dans un plan pas du tout raccord, par baver ostensiblement). Le gore selon Moutier est glauque et dérangeant même si la pauvreté des moyens l'empêche bien évidemment de se hisser au niveau des grandes œuvres de Wes Craven ou Tobe Hopper.

 

Ogroff restera néanmoins comme un témoignage avenant de cette époque des fanzines, des premières VHS (le film connaîtra par la suite une certaine postérité en ayant été repiqué sur support vidéo) et des principaux acteurs de cette vogue. Si l'on parvient à oublier tous les repères forgés par les films « normaux » (y compris les plus fauchés), on trouvera peut-être un petit intérêt à cet OVNI qui ne ressemble à absolument rien...

 

NB : Je réalise à l'instant que je n'ai rien dit d'Howard Vernon, cet immense comédien qui fait ici une savoureuse apparition en prêtre vampire. Preuve de la générosité et de l’éclectisme d'un homme qui tourna aussi bien avec les auteurs les plus pointus (Godard, Straub, Biette...) qu'avec des gens comme Pierre Chevalier, Jess Franco et même Norbert Moutier !

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