Velvet Goldmine (1998) de Todd Haynes avec Jonathan Rhys Meyers, Ewan McGregor, Christian Bale, Toni Collette (Editions Carlotta) Sortie le 28 mai 2014

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Todd Haynes, dont nous n'avons plus de nouvelles depuis très longtemps (visiblement, son prochain film sortirait en 2015), est un cinéaste fasciné par la question de l'identité et de son ambiguïté (on se souvient de son portrait kaléidoscopique de Bob Dylan dans I'm not there). Entre son premier essai Safe (son chef-d’œuvre?), superbe portrait d'une femme sombrant peu à peu dans la paranoïa et, à travers elle, tableau fascinant d'une époque gangrenée par le délire hygiéniste et la peur de l'autre, et le très beau Loin du paradis qui remettait au goût du jour les mélos flamboyants de Sirk en levant un coin de voile sur les tabous d'une époque (l'homosexualité dans l'Amérique des années 50) ; Haynes a tourné cette épopée du « glam-rock » qui n'a rien perdu de son énergie et de son inventivité.

 

Si le récit de Velvet Goldmine est une fiction, le cinéaste s'inspire à la fois du parcours de David Bowie pour brosser le portrait de son musicien androgyne Brian Slade (Jonathan Rhys Meyer) et de celui d'Iggy Pop pour esquisser les traits de Curt Wild (Ewan McGregor). 10 ans après l'aventure de ce courant musical, un jeune journaliste (Christian Bale) est chargé d'enquêter sur ce qu'est devenu Slade après qu'il a orchestré son propre assassinat. Il rencontre des témoins de cette époque et c'est à travers leurs souvenirs que Todd Haynes va retracer un tableau tout en éclats et réminiscences de ce moment musical très particulier et singulier que fut le « glam rock ».

On imagine que ce qui a intéressé le cinéaste dans ce projet, c'est l’ambiguïté sexuelle de ces deux rockeurs. Slade n'hésite pas à se produire sur scène habillé en robe, il affiche clairement sa bisexualité et apparaît vêtu dans d'extravagants costumes, maquillé comme une diva et la tête dans les paillettes.

Cette excentricité revendiquée, Haynes l'inscrit dans une histoire plus vaste en faisant remonter les origines du « glam » à … Oscar Wilde. Velvet Goldmine s'ouvre, en effet, sur un prologue malicieux où le futur grand écrivain semble débarquer d'une autre planète (via une soucoupe volante) et fait perdurer son esprit « rock » grâce à une amulette qui passe de main en main. Au-delà du clin d’œil, Haynes tente d'établir une généalogie de ce courant musical dont l'essence est l'artifice, l'image, la mise en scène, le strass et les paillettes. Ce qui caractérise Slade et Wild, c'est leur dandysme affiché, l'importance qu'ils accordent à leurs costumes et leur maquillage plutôt qu'à ce que l'on pourrait tenter de définir comme le « Réel ».

Après les années hippies et les mouvements contestataires de la fin des années 60 ; la « provocation » du glam-rock apparaît moins dans le « message » que dans l'apparence, la manière de mettre en scène un style. C'est sans doute ce qui a intéressé l'esthète Haynes qui préfère à la linéarité du « biopic » un récit éclaté façon puzzle, un kaléidoscope d'images, de sensations et de sons. A ce titre, même si le film frise parfois l'overdose et l'exercice de style (les saynètes se succédant parfois comme des clips sur une chaîne musicale) , la bande-son de Velvet Goldmine est assez grandiose, entraînant le spectateur dans un incessant tourbillon où il pourra reconnaître Lou Reed, Roxy Music, T.Rex et bien d'autres. Et c'est dans cet artifice, ce goût du factice que se dessine paradoxalement une certaine vérité.

Cette vérité, ça pourrait être celle de la jeunesse puisque le film trace, en creux, un sillon plus intime qui s'incarne dans l'existence du jeune journaliste. En effet, celui-ci a d'abord connu Slade comme un fan vénérant son idole. C'est à travers ses extravagances qu'il s'est découvert lui-même, rompant avec l'éducation rigide de sa famille et assumant (plus ou moins)son orientation sexuelle.

 

La beauté de Velvet Goldmine, c'est également de ne pas figer ce récit dans la reconstitution d'époque et la nostalgie. En remontant à Oscar Wilde et aux origines du dandysme, le cinéaste cherche à retrouver quelque chose comme l'essence du glamour et de l'excentricité. Cette essence, elle ne s'incarne pas dans une époque qu'il faudrait regarder les yeux plein de larmes nostalgiques mais c'est un esprit qui continue de souffler là où il veut.

La fluidité du montage et cette manière de faire se chevaucher les époques, de naviguer du passé au présent permettent de conforter cette sensation d'un univers à la fois lointain mais toujours vivant, irriguant de son esprit l'époque contemporaine.

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