Tesis (1995) d'Alejandro Amenabar avec Ana Torrent, Fele Martinez, Eduardo Noriega. (Editions Carlotta) Sortie en DVD le 25 juin 2014

 vlcsnap-2014-07-07-22h19m50s255.png

 

Je me souviens que je n'avais pas été tellement convaincu en découvrant ce premier film d'Amenabar la première fois. J'y avais alors vu un exercice de style un peu roublard d'un étudiant en cinéma doué, témoignant d'un certain talent mais sans grande originalité.

Je dois donc faire amende honorable parce que j'ai redécouvert Tesis avec un certain plaisir. Si le côté « exercice de style » n'est pas totalement évité (notamment pour tout ce qui concerne le discours sur les images et la violence), il faut reconnaître que le film est remarquablement bien construit et rondement mené. Sans avoir recours aux gros effets du thriller sanglant contemporain, Amenabar parvient à faire sourdre l'angoisse et à instaurer un suspense diablement efficace.

 

Avouons-le quand même : le discours sur les images a un peu vieilli. La sortie de ce film me paraît relativement proche (20 ans l'an prochain quand même!) et il était presque contemporain d’œuvres interrogeant de manière similaire la question de la violence à l'écran (se souvient-on encore des débats autour du Tueurs-nés de Stone?). C'est en voyant des films comme Tesis, c'est à dire très marqués par les questions technologiques de l'époque, qu'on réalise à quel point le monde a changé rapidement.

1995, cela signifie un monde sans téléphones portables, sans Internet, sans DVD. C'est l'époque où débute réellement la démocratisation des petites caméras vidéo et cette « domestication » de l'image va être l'objet de tous les fantasmes et de toutes les craintes.

 

Dans Tesis, Angela (Ana Torrent) prépare une thèse sur la violence dans les images. Elle demande à son directeur de thèse de lui trouver des cassettes pouvant illustrer son sujet. L'homme en dégote une mais il est retrouvé mort dans la salle de projection où il la visionnait. Il se trouve que sur cette VHS, il y a un « snuff movie » et que la fille qui se fait torturer et tuer sous l’œil de la caméra est une ancienne étudiante de la fac. Aidée par Chema (Fele Martinez), un « geek » avant l'heure -fan de films pornos et d'horreur-, elle va mener l'enquête pour dénouer les fils de cette mystérieuse histoire...

 

Pour Amenabar, qui joue une fois de plus sur le fantasme de l'existence de « snuff movies » fabriqués à la chaîne par des réseaux crapuleux, la violence de l'image n'existe que parce qu'elle répond à un besoin du public. C'est le sens de la première séquence où Angela est irrésistiblement attirée vers des rails où a eu lieu un accident et ferait tout pour apercevoir le cadavre de l'homme qui s'est jeté sous la rame du métro.

La fascination morbide pour la violence et pour les « expériences limites » de l'être humain (pour le dire vite, les deux « absolus » irreprésentables selon Bazin : le sexe et la mort) aurait pu être un sujet passionnant mais Amenabar ne le traite que superficiellement. Il manque peut-être à son héroïne un côté « trouble » qui la ferait justement pencher du côté de cette violence, de cette fascination pour les gouffres et la mort. Mais Angela reste droite dans ses souliers durant tout le récit et nous a paru un peu trop « lisse ».

 

C'est donc plutôt du côté de la narration et de la dramaturgie que le film parviendra à emporter l'adhésion. Amenabar prouve d'emblée (il n'avait alors que 23 ans) qu'il maîtrise parfaitement les codes du thriller et qu'il est capable de se les réapproprier. Il y a chez lui un petit côté De Palma (notamment dans la belle scène de filature où Angelica finit par se faire suivre par celui qu'elle suivait) mais qui se concentrerait moins sur le style que sur l'efficacité narrative. C'est assez amusant car la manière de placer les chausses-trappes, de multiplier les retournements de situations, de faire peser le poids du doute sur un personnage pour ensuite le disculper est assez classique voire un tantinet mécanique à certains moments. Et pourtant, on marche et on prend plaisir à se laisser surprendre.

Les personnages sont bien campés et incarnés avec talent par Ana Torrent (l'inoubliable gamine de L'esprit de la ruche et de Cria Cuervos), par Fele Martinez (et ses improbables t-shirts Cannibal holocaust!) ou le roué bellâtre Eduardo Noriega et les rouages du genre sont parfaitement huilé.

 

Tesis n'est sans doute pas un film révolutionnaire ni le chef-d’œuvre du siècle mais c'est un bon thriller qui parvient à nous captiver pendant deux heures. Que demander de plus ?

Retour à l'accueil