Hara-Kiri : mort d'un samouraï (2011) de Takashi Miike avec Koji Yakusho (Editions Bodega Films).

Sortie le 5 novembre 2012

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Cinéaste prolifique et éclectique, Takashi Miike s'attaque ici à un gros morceau puisqu'il nous propose un remake d'un grand classique du cinéma japonais : le Hara-Kiri de Kobayashi (dont il a été question ici il y a quelques mois). Difficile donc de voir ce film avec un œil vierge et d'éviter la comparaison. Et avouons-le d'emblée, le film de Miike n'apporte rien de plus à l'original et paraît, du coup, plus faible. Cela n'enlève rien à ses réelles qualités. Mais commençons par le début.

 

Alors qu'au 17ème siècle le Japon connaît une période de paix, de nombreux samouraïs se retrouvent sans maîtres et sans ressources. Certains de ces rônin proposent alors à des clans de se suicider dans leurs demeures afin de mourir dignement. C'est ce que Hanshiro souhaite faire lorsqu'il se présente un beau jour à la porte du clan Li. L'intendant Kageyu commence alors à lui raconter une histoire similaire afin de le dissuader...

 

Comme Kobayashi, Miike adopte une construction narrative assez complexe où le récit se nourrit de deux longs flash-back (la mort du premier samouraï, la destinée de Hanshiro). Il me semble d'ailleurs que le cinéaste a simplifié ce jeu de retours en arrière et qu'il a davantage souligné les transitions d'une époque à une autre. Néanmoins, d'un point de vue purement narratif, Hara-Kiri : mort d'un samouraï est plutôt convaincant et l'on se laisse rapidement captiver par les nombreuses péripéties du scénario.

Du point de vue de la mise en scène, le film de Miike est également satisfaisant : le cadre est toujours impeccable et le découpage d'une fluidité exemplaire. Lorsque arrivent les combats finaux, le cinéaste fait preuve d'une certaine justesse dans le rythme et ne sombre pas dans les tics du cinéma d'action actuel (montage épileptique, caméra placée n'importe où...). On est d'ailleurs assez surpris que l'excessif Miike (souvenons-nous du totalement déjanté Visitor Q) fasse preuve d'une relative sagesse lors des scènes de violence. La complaisance n'est pas de mise et si ces passages sont un peu plus sanglants que chez Kobayashi, cela reste supportable.

 

Mais aussi « professionnelle » et efficace soit-elle, la réalisation ne parvient jamais à égaler celle de l'original. Il suffit de songer aux magnifiques scènes de sabres finales de Kobayashi pour mesurer ce qui sépare un habile cinéaste d'un grand artiste. Il n'y a pas chez Miike ce sens de l'espace, de la chorégraphie qui fait ressembler certaines séquences d'Hara-Kiri à un véritable opéra tragique. De la même manière, la belle première partie du remake ne parvient pas à égaler le sublime hiératisme du film de Kobayashi avec ses plans tirés au cordeau et sa photo en noir et blanc si expressive.

Du coup, en perdant un peu de rigueur, le cinéaste perd également en intensité. Autant la première partie est parfaitement tenue, autant le deuxième flash-back me semble parfois un peu plus relâché et un poil longuet. De la même manière, Miike accentue un peu trop artificiellement la dimension « sentimentale » de l’œuvre et les séquences mélodramatiques ne sont pas les plus réussies. Tout se passe comme s'il fallait en faire plus (de morts, de larmes...) pour souligner de manière plus claire le thème du film : la manière dont un code d'honneur social rigide et absurde écrase et opprime l'individu. Mais plutôt que d'emprunter le chemin d'un réflexion sur le Pouvoir et lesdits codes sociaux (ce qu'illustrait avec une incroyable force la mise en scène de Kobayashi), Miike cherche à « humaniser » cette confrontation.

Cela donne d'ailleurs de très jolis moments comme ce combat que le cinéaste « poétise » en le filmant sous une neige irréaliste (on pouvait s'attendre à un bain de sang comme dans Kill Bill : il n'en sera rien).

 

Miike oscille donc entre un certain classicisme « poétique » (en moins inventif, me semble-t-il, que le Zatoichi de Kitano) et une retenue plutôt bienvenue. Ce qui le dessert le plus, c'est la comparaison avec le film de Kobayashi. Mais si on oublie un peu cette référence écrasante, Hara-Kiri : mort d'un samouraï est plutôt une bonne surprise et un joli film de samouraïs...

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