Macbeth (1948) de et avec Orson Welles. Sortie en salles (version restaurée) le 10 septembre 2014. (Editions Carlotta)

 

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Après Othello, les éditions Carlotta poursuivent leur travail de réédition des adaptations shakespeariennes de Welles avec le magnifique Macbeth (j'attends avec impatience une éventuelle ressortie de Falstaff que je n'ai jamais vu). J'avais déjà évoqué cette œuvre et je ne vois donc pas grand chose à ajouter. Je me contente donc de supprimer mon paragraphe introductif et de vous proposer à nouveau cette note où je commençais par évoquer la question de la maîtrise au cinéma puisque l’œuvre de Welles est un peu comme celle de Kubrick : un cinéma d’une tyrannique perfection qui ne laisse rien au hasard, des « machines cinématographiques célibataires » qui forcent, d’une certaine manière, le spectateur à s’incliner et qui visent plus à son ébahissement qu’à son adhésion. Encore une fois, il ne s’agit pas de remettre en question certaines hiérarchies mais d’avouer en toute subjectivité que nous admirons sans réserve le cinéma de Welles mais que nous lui préférons des œuvres plus « humaines » comme celles de Minnelli ou de l’immense Douglas Sirk.

Passée cette petite note d’intention, nous devons bien reconnaître, une fois de plus, que Macbeth mériterait d’être présenté dans toutes les écoles de cinéma et surtout,  à tous les cinéastes à qui il prend soudain l’envie de transposer à l’écran une pièce de théâtre (ou un roman). Ces derniers devraient se souvenir de Welles qui tourna son adaptation shakespearienne pour un petit studio spécialisé dans la série B (Republic) et qui le fit sans moyen et dans un délai record (une vingtaine de jours).


Avec des conditions pareilles, inutile de songer aux décors, aux costumes et autres colifichets qui plombent sous un académisme lourdingue la plupart de ce genre de film ! Il a bien fallu penser en terme de cinéma et c’est assez extraordinaire. Macbeth se déroule le plupart du temps dans des décors stylisés et baigne dans un incessant brouillard qui masque la pauvreté des moyens engagés. Technique éprouvée mais qui se révèle payante ici en donnant au film une atmosphère trouble, sombre et tourmentée qui convient parfaitement au climat du drame de Shakespeare.

Welles nous cueille à froid avec une séquence admirable et impressionnante où le simple enchaînement (en fondu) des plans de paysages brumeux se superpose à des plans de potions grumeleuses que préparent les trois sorcières de la pièce.

Elles commencent par interpeller les deux guerriers (Macbeth et Banquo) avant de prévoir leurs destinées futures (que vous connaissez tous !).

Dès cette ouverture, le ton est donné : bruit, fureur et onirisme feront bon ménage pendant près de deux heures. Welles donne par la suite libre court à son style expressionniste : cadre toujours inventif, changements d’axes permanents, jeu splendide entre des plongées et contre-plongées qui offrent un représentation visuelle des états d’âme de Macbeth, travail incroyable sur la lumière et les jeux d’ombres…

A l’opposé du très sage Hamlet de Laurence Olivier sorti la même année (pas un grand film mais je l’aime bien car il est au service d’une grande pièce et magnifiquement interprété par des comédiens britanniques), Welles trouve ici un équivalent visuel à la fureur shakespearienne (son Othello vaut aussi le coup !).


Je laisse désormais aux thuriféraires du génial dramaturge élisabéthain le soin de deviser sur les thèmes de la pièce et sur ses enjeux dramatiques. Je me contenterai de voir ici un parallèle entre le destin tragique du souverain régicide Macbeth et celui de Welles cinéaste. Qu’il interprète lui-même ce personnage a quelque chose de troublant car on peut y voir l’image d’une ambition démesurée et tyrannique (cette volonté de maîtrise absolue que l’on trouve chez Welles) qui s’exerce à tout prix, malgré les avertissements des oracles. Tout se passe comme si le cinéaste avait conscience de son destin mais qu’il s’échinait malgré tout à vaincre le sort, à parvenir à ses fins quitte à aller droit dans le mur.

C’est cette énergie suicidaire qui fait la grandeur et la beauté de ce Macbeth tourmenté et violent.

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