Los Angeles 2013 (1996) de John Carpenter avec Kurt Russell, Steve Buscemi, Pam Grier

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Sur le papier, un film comme Los Angeles 2013 a tout pour me déplaire puisqu’il relève d’un genre que je ne goûte guère (l’anticipation musclée) et qu’il ne fait pas dans la dentelle mais plutôt dans la testostérone pure et dure (Kurt Russell n’est pas le genre d’acteur qu’on imagine conter fleurette à la proue du Titanic !).

Et pourtant, réalisé par John Carpenter, le résultat est totalement jouissif. 

Los Angeles 2013 est le sommet d’une certaine « série B » remis au goût du jour et qui se fait, malheureusement, de plus en plus rare. D’emblée, Carpenter inscrit son film dans la tradition du récit feuilletonesque et des « comics » puisqu’on retrouve le personnage de Snake Plissken et son célèbre bandage sur l’oeil. Après avoir sauvé le président dans New York 1997, notre héros reprend du service et doit se mettre au service du chef des Etats-Unis pour le débarrasser d’un dangereux révolutionnaire qui a pris ses quartiers à Los Angeles, ville devenue désormais une île où sont consignés tous les éléments dangereux de la société : athées, prostituées, fugitifs, immigrés…

Je n’insiste pas sur les éléments les plus rocambolesques de l’intrigue (une lutte acharnée pour obtenir le contrôle de satellites capables d’éteindre la planète, un virus inoculé dans le sang de Snake afin qu’il obtempère dans les plus courts délais…) mais le tout relève du cinéma d’action le plus classique avec le quota minimum de courses, de bastons et d’effets pyrotechniques qu’on peut imaginer.

Pourtant, le charme du film vient du fait que Carpenter n’est jamais dupe de ses effets, qu’il s’amuse comme un petit fou à redonner vie à son personnage et qu’il saupoudre le tout d’un humour ravageur. L’humour de Los Angeles 2013 n’est pas du « second degré » (cette plaie de l’époque actuelle !) car cela reviendrait à se moquer d’un genre que le cinéaste affectionne réellement mais une sorte de dérision acide qui emporte tout sur son passage.

Dérision qui passe à merveille dans le jeu d’un Kurt Russell qui en rajoute autant qu’il peut dans le côté viril et « rétro » du personnage (il semble tout droit débarquer des années 80) mais également dans l’élaboration de situations totalement abracadabrantes. Il faut voir Snake Plissken, menacé de mort, marquer un nombre important de paniers en dix secondes où faire du surf sur… un tsunami ! (scène désopilante où Carpenter parodie malicieusement Point break). Les effets spéciaux ne viennent jamais prendre le dessus sur le récit et le sens du découpage, du montage du cinéaste lui permet de compenser leur côté très « cheap » (effets à mon avis totalement volontaires et se réduisant parfois à de simples transparences, permettant au cinéaste de rendre hommage à la série B d’antan).

Mais là où le film fait mouche, c’est dans sa dimension « politique ». Carpenter a toujours été l’un des metteurs en scène les plus percutants pour porter un regard critique et ironique sur les Etats-Unis. On se souvient du président extra-terrestre de Invasion LA qui ressemblait étrangement à Reagan. Dans Los Angeles 2013, le président des Etats-Unis ressemble à s’y méprendre à George Bush (le premier, mais non moins sinistre, du nom). La manière dont il entend réguler par la force les affaires du monde entier rappelle quelques exactions commises au nom de la « liberté ».

Le film regorge d’allusions à la paranoïa sécuritaire des Etats-Unis (mais ne sombrons pas dans l’anti-américanisme primaire : elle vaut désormais pour tout l’Occident !) et l’on se régale de dialogues comme celui-ci :

« Une nation de non-fumeurs. Pas de cigarettes, pas d'alcool, pas de drogues, pas de femmes. A moins bien sûr d'être marié. Pas d'armes, pas de langage grossier, pas de viande rouge... ». Ce à quoi répond, laconique, Snake :

« Une terre de liberté » !

Jamais le cinéaste ne sombre cependant dans la parabole lourdingue ou symbolique : l’action prime avant tout et son point de vue est d’ailleurs davantage du côté de Snake, anar individualiste, plutôt que des rebelles présentés également comme des individus avides de pouvoir et d’autorité.

Cela n’empêche pas le film de nous offrir une vision assez lucide et un brin effrayante d’un monde allant à vau-l’eau, d’un univers concentrationnaire érigé au nom du « Bien » et où ne règne plus que le spectacle (le jeu de basket qui se transforme en mise à mort, l’omniprésence des images et des caméras…) et la lutte de chacun pour sa propre survie (Carpenter est aussi bien un héritier de Hawks que d’Aldrich).

Film prémonitoire ? Snake Plissken nous prévient : « le futur, c’est maintenant »…

 

 

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