Dark star (1974) de John Carpenter avec Brian Narelle, Dan O'Bannon (Editions Carlotta) Sortie le 22 janvier 2014

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Dans la filmographie des grands cinéastes, le premier essai occupe toujours une place à part. Si je mets à part ceux qui débutèrent sans éclats et qui s'affirmeront petit à petit en développant leur œuvre, je dirais qu'il y a deux types de « premier film ». D'un côté, les premiers films qui innovent et portent immédiatement la marque d'un grand cinéaste (Citizen Kane, A bout de souffle, Les 400 coups...). De l'autre, les premiers films fauchés, imparfaits mais qui témoignent déjà d'un véritable désir de cinéma et qui peuvent, à ce titre, devenir « culte » : Sang pour sang des Coen, Evil dead de Raimi voire Eraserhead de Lynch qui est un cas à part puisqu'il relève des deux catégories !

Dark star, le premier film de John Carpenter, appartient résolument à la deuxième catégorie. Difficile, en effet, de faire plus fauché que ce film de science-fiction mettant en scène l'équipage d'un vaisseau spatial patrouillant dans l'espace pour faire disparaître les planètes « instables ». Pourtant, le cinéaste fait déjà preuve d'un plaisir évident à filmer et à élaborer cet étrange pastiche du 2001, l'odyssée de l'espace de Kubrick. De la même manière Dark Star, sans être aussi maîtrisé que les films futurs du cinéaste (à commencer par Halloween), annonce déjà des œuvres postérieures de Carpenter : l'équipage d'hommes perdus dans un milieu hostile préfigurant l'équipée polaire de The thing (on trouvera d'ailleurs une « chose » sur ce vaisseau), par exemple.

 

Les éditions Carlotta nous offre aujourd'hui une riche réédition du film en proposant deux versions : la version sortie au cinéma et une version « director cut » qui dure une dizaine de minutes en moins, le tout accompagné d'un documentaire retraçant les grands moments du tournage du film.

Le film, qui ressemble parfois à un court-métrage que l'on aurait prolongé un peu trop (d'où l'intérêt de privilégier, à mon avis, la « version courte »), est bâti autour de deux longues séquences. La première met en scène le duel d'un membre de l'équipage avec une sorte de créature qui ressemble à un gros ballon gonflable avec des pattes d'oiseaux. Carpenter hésite entre une vraie construction de film d'épouvante (la mise en scène dans la scène d'ascenseur est plutôt très habile, jouant merveilleusement sur un espace à la fois confiné et vertigineux – les plongées verticales sur la cage d'ascenseur où notre bonhomme est coincé-) et la pure comédie (ce « monstre » est sans doute l'un des plus kitsch de toute l'histoire du cinéma). Pour la petite histoire, on sait que Dark Star a été co-écrit par Dan O'Bannon, qui s'illustrera dans le film d'horreur parodique quelques années plus tard (Le retour des morts-vivants) mais qui sera surtout le scénariste d'Alien, le huitième passager. D'une certaine manière, cette séquence avec un monstre venu d'ailleurs qui trouble la paix d'un vaisseau spatial annonce, de manière plus comique, le film de Ridley Scott.

 

La deuxième grande séquence est celle de l'échec du lancement de la bombe sur une planète instable. La bombe a la particularité de s'exprimer comme vous et moi (ou plutôt, comme HAL dans 2001) et de se révolter, comme dans le film de Kubrick, contre ceux qui l'ont conçue. Carpenter invente alors une scène assez drôle où pour désamorcer cette bombe, il faut lui apprendre...la phénoménologie ! A ce moment, le film vire totalement au pastiche et séduit par ce ton rigolard et potache. Pour rester dans les références à Kubrick, Carpenter termine même son film sur un plan d'un « surfeur de l'espace » qui rappelle Slim Pickens chevauchant la bombe atomique à la fin de Docteur Folamour.

 

Ces deux séquences d'anthologie composent l'essentiel de Dark Star, film amateur au sens noble du terme (« celui qui aime ») totalement foutraque qui ne compte pas parmi les grandes œuvres de John Carpenter mais qui se redécouvre avec un grand plaisir...

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