L'effroyable secret du docteur Hichcock (1962) de Riccardo Freda avec Barbara Steele, David Flemyng. (Editions Artus Films)

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C'est toujours un plaisir de se replonger dans le cinéma fantastique italien. Au risque de se répéter, il faut redire que l'Italie fut l'un des seuls pays au monde a avoir su engendrer un véritable cinéma de genre à la manière des studios hollywoodiens. En faisant abstraction de la connotation péjorative du terme, nous dirons volontiers des italiens qu'ils furent les spécialistes de la « contremarque », assimilant d'emblée les classiques du cinéma américain pour les refaire. On ne s'étonnera donc pas de l'invraisemblable nombre de pseudonymes anglo-saxons que prirent tous ces petits maîtres (Freda signe ici son film sous le nom de Robert Hampton).

Si cet essor du cinéma de genre italien donna quelques gouleyants nanars (les films de morts-vivants et de cannibales qui fleurirent dans la lignée des films de Romero), il permit aussi à quelques cinéastes d'affirmer un style unique et de réaliser quelques petits chefs-d’œuvre.

 

L'effroyable secret du docteur Hichcock de l'aimable et inégal Riccardo Freda (on lui doit de très bons films d'aventures comme Le chevalier mystérieux, des films fantastiques que je rêve de découvrir – Les vampires, Catilki, le monstre immortel...- mais également d'effroyables navets comme Maciste en enfer) est un exemple parfait de ce qu'a pu produire (en bien) le cinéma de genre italien.

 

Dans un premier temps, le film s'annonce comme un habile démarquage des films de la firme britannique spécialisée dans l'épouvante : la Hammer. On y retrouve tous les éléments qui firent le succès des films de Fischer ou Gilling : de vastes demeures aux recoins sinistres, des caves pleines de cercueils et de crânes humains, des serviteurs taiseux et inquiétants... Mais Freda parvient à nous offrir autre chose qu'une contrefaçon et à imprimer un véritable style à cette histoire abracadabrante.

 

Le professeur Hichcock (qui n'est jamais nommé ainsi mais c'était sans doute un nom plus « porteur » pour l'exploitation!) a inventé un anesthésique qui lui permet de sauver des patients mais également de prendre sa femme comme cobaye pour assouvir un certain penchant pour la... nécrophilie (le brave docteur vient embrasser langoureusement son épouse alors qu'elle a été endormie par ses soins dans un cercueil!). Malheureusement, une surdose se révèle mortelle et l'inconsolable docteur quitte sa demeure où il reviendra après quelques années et avec une nouvelle épouse...

 

Si le nom « Hichcock » (sans « t ») peut se révéler trompeur, il n'est pas si mal trouvé car le film de Freda puise volontiers dans des thèmes chers au « maître du suspense ». On pense souvent à Psychose avec ce fantôme de l'épouse défunte qui semble hanter les lieux et les crânes que découvre régulièrement la sublime Barbara Steele (dans un lit, c'est vrai que ça fait désordre!). Mais c'est surtout à Vertigo (toutes proportions gardées) que l'on songe grâce à cette dimension nécrophile du film et l'obsession qu'a le docteur Hichcock de « ressusciter » sa première épouse en modelant la seconde à son image. Freda s'intéresse finalement moins à son récit (assez peu palpitant) qu'à cette dimension trouble (et troublante) de la relation entre le héros et les femmes.

 

La réalisation est d'une bonne tenue (on est loin de la série Z débraillée) et l'on soulignera une excellente direction artistique (les belles couleurs un peu passées du film lui confèrent une atmosphère qui rappelle, effectivement, les plus belles réussites de la Hammer). De plus, Freda joue intelligemment avec la lumière et annonce déjà le cinéma « coloriste » d'un Mario Bava (qui fut son assistant) ou d'un Dario Argento (certaines scènes sont joliment éclairées en rouge).

 

La réussite de l'effroyable secret du docteur Hichcock tient dans cet habile équilibre qu'est parvenu à instaurer le cinéaste : à la fois une inscription dans le genre avec tous les archétypes que cela suppose et, de l'autre côté, une petite touche personnelle qui lui permet de naviguer en eaux troubles de manière plus incisive et de signer un joli fleuron de l'épouvante gothique à l'italienne.

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