Le vampire de ces dames
L'orgie des vampires (1964) de Renato Polselli avec Marco Mariani, Barbara Howard (Editons Artus Films)
La nouvelle salve de DVD à paraître chez Artus (à partir de demain) est consacrée au cinéma fantastique transalpin avec ce que cela suppose de décors gothiques, d'atmosphères macabres, de vampires agressifs et de jeunes écervelées court-vêtues.
Sur le papier, L'orgie des vampires ressemble à s'y méprendre à Des filles pour un vampire de Piero Regnoli, l'un des premiers films d'un genre qui va faire florès en Italie dans les années 60 : le film d'épouvante gothique. Dans les deux cas, on suit les tribulations d'une troupe de danseuses qui échoue dans un lieu abandonné (ici, un vieux théâtre à l'abandon) et qui se fait accueillir par un dangereux vampire.
Le film débute de fort belle manière, avec une scène onirique assez délirante. On y voit l'héroïne du film se faire poursuivre par le vampire et le cinéaste multiplier les angles insolites, les cadrages obliques et les plongées vertigineuses. Le découpage rapide de la séquence lui permet de brouiller les repères spatio-temporels. On se croirait parfois plongé au cœur d'une toile d'Escher et de ses perspectives impossibles. De la même manière, la jeune femme se retrouve prisonnière derrière une barrière invisible, roule sur le sol et passe sans encombre d'une pièce ressemblant à une crypte à une pelouse à l'extérieur : l'espace est déstructuré et l'on songe aux moments les plus surréalistes des films de Jean Rollin ou de Jess Franco.
Je n'avais jamais vu de films de Renato Polselli mais on apprend en bonus du DVD (grâce à une présentation érudite d'Alain Petit) qu'il fut un cinéaste bien allumé qui allait tourner dans les années 70 des films de plus en plus expérimentaux et psychédéliques (toujours en s'appuyant sur des thèmes fantastiques et en exacerbant un érotisme déjà latent ici). On espère que de courageux éditeurs de DVD nous permettrons un jour de les découvrir !
Malheureusement, après cette séquence d'ouverture assez forte, le film devient plus routinier et peine à instaurer un rythme lors de son (interminable) exposition (comptez 50 minutes avant que le vampire ne refasse surface!). Polselli nous brosse un tableau assez fade d'une troupe de danseuses assez horripilantes (elles sont hystériques) et l'on ne s'intéresse au récit que lorsque revient notre créature des ténèbres. A ce moment, le cinéaste retrouve un certain panache en exacerbant le côté gothique du film : le décor du théâtre désaffecté est particulièrement expressif et l'on apprécie cette espèce de succursale de l'enfer où notre vampire tient enchaîné des femmes se débattant comme des forcenées. Tout participe à la création d'une atmosphère d'épouvante : le serviteur apeuré, le cercueil où repose un costume queue de pie, un crâne de squelette... Et pour pimenter le tout, Polselli joue également la carte d'un érotisme encore très retenu (aucune nudité ne heurtera la sensibilité des spectateurs les plus prudes!) mais assez suggestif (les danseuses prennent des poses lascives et le saphisme n'est jamais très loin).
Le résultat est donc un poil inégal : quelques longueurs, un récit pas forcément original mais de véritables fulgurances au niveau de la mise en scène. On regrette néanmoins la qualité assez médiocre de la copie du DVD. La maison Artus fait un formidable travail de redécouverte de pépites méconnues mais elle n'a malheureusement pas les moyens de restaurer les films. Du coup, le film semble être un mélange improbable entre plusieurs copies (italiennes ? Françaises?) et cela se voit un peu trop (l'image est parfois beaucoup plus contrastée et baveuse).
Mais cela ne rebutera pas, selon la formule consacrée, les amateurs de curiosités improbables de se précipiter sur ce film de vampires assez délirant et parfois très beau...