Bonnes funérailles, amis... Sartana paiera (1970) de Giuliano Carnimeo avec Gianni Garko, George Wang

Quand les colts fument, on l'appelle cimetière (1971) de Giuliano Carnimeo avec Gianni Garko, William Berger

(Editions Artus Films) Sortie le 4 mars 2014

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On termine (provisoirement) notre petit panorama sur le western italien en regroupant les deux derniers titres édités chez Artus dans la mesure où ils sont signés Giuliano Carnimeo sous le pseudonyme d'Anthony Ascott. Pour l'occasion, Gianni Garko s'est laissé pousser la moustache mais traîne toujours sa nonchalance et son flegmatique mutisme dans un Ouest crasseux et corrompu par d'odieux bandits.

 

Dans Bonnes funérailles, amis...Sartana paiera, il incarne Sartana, l'une des figures mythiques du western italien qui donnera lieu à de multiples aventures plus ou moins fidèles au Sartana originel signé Parolini (alias Frank Kramer). Si Sartana ne se distingue guère des personnages incarnés habituellement par Garko (individualisme taiseux, héros ambigu et cynique...), il se caractérise néanmoins par son élégance (il chevauche en costume noir et porte la cravate) et par un certain dandysme qui le pousse à offrir à ses ennemis leurs funérailles ! Ici, il vient lutter contre un affreux banquier et le patron chinois d'une maison de jeux (George Wang) qui se disputent un terrain qui recèlerait une mine d'or. Benson, le propriétaire de ce terrain, a été assassiné et Sartana va aider la nièce de cet homme à veiller sur son bien.

Si le film paraît un peu plus brouillon que les deux précédents dont nous avons parlés (Le temps des vautours et Le jour de la haine), il est tout à fait plaisant. Une fois de plus, le western sert de cadre à un tableau assez sombre où les individus ne sont mus que par la cupidité et l'appât du gain. Mais déjà pointe une dimension « parodique » qui sera encore plus flagrante dans Quand les colts fument, on l'appelle cimetière. Pour prendre un exemple assez amusant, Sartana ne se sépare jamais de son jeu de carte dont l'une en particulier possède des rebords en métal. Cette carte lui permettra donc de souffler une chandelle au moment où débutent ses ébats avec la belle héroïne, de couper une corde qui fera tomber un gong sur la tête d'un ennemi ou de faire lire à son principal adversaire une citation de la Bible en indiquant la page exacte à ouvrir dans le Saint Livre ! Il faut voir également le même Sartana narguer un bandit en allumant son cigare...avec un bâton de dynamite ! Tous ces petits détails exagérés et très « cartoonesques » donnent une véritable fantaisie à ce film sans pour autant le faire sombrer dans la pure parodie débile.

Le scénario est rocambolesque à souhait et Carnimeo se plaît à multiplier les rebondissements improbables, à peaufiner de vrais méchants de roman-feuilleton (l'infâme banquier et son revolver planqué dans son livre des comptes, le machiavélique patron chinois) et à jouer avec les gadgets variés (cartes, feu d'artifice, revolver sur ressort...).

Si un esprit BD règne sur ce Bonnes funérailles, amis...Sartana paiera (pour ma part, j'ai pensé à la vision fantaisiste de l'Ouest de Lucky Luke), le personnage de Sartana permet néanmoins de conserver un certain « sérieux » et de ne pas rompre le pacte de croyance avec le spectateur qui s'identifiera facilement à cet homme fantomatique (il est toujours dans les pièces lorsqu'on s'y attend le moins), mystérieux et capable de déclencher un feu d'artifice avec un simple jeu de cartes.

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Dans Quand les colts fument, on l'appelle cimetière ; l'incontournable Gianni Garko incarne « l'étranger » que ses ennemis appellent parfois « cimetière » pour sa propension à envoyer six pieds sous terre ceux qui ont le malheur de le défier. Le film débute par la confrontation de deux « pieds-tendres » blonds qui débarquent de Boston pour une ville crasseuse de l'Ouest où règne la loi du colt. On songe presque à l'arrivée en train de Johnny Depp à Machine dans Dead man tant le contraste est grand entre les lieux et ces deux blancs-becs venus retrouver leur père. Celui-ci est éleveur et handicapé et il doit subir, comme tous les éleveurs du coin, le racket de bandits sanguinaires. Mais il se trouve que « l'étranger » est lié à cette famille et qu'il va les aider, notamment contre le Duke (William Berger), terrible « pistolero » à la solde des racketteurs.

Une des curiosités de Quand les colts fument, on l'appelle cimetière est d'avoir été écrit par E.B.Clucher (Enzo Barboni), à savoir l'immortel auteur d' On l'appelle Trinita et de nombreuses suites du même genre avec le duo Terence Hill et Bud Spencer. Comme le rappelle Curd Ridel dans l'un des bonus, Clucher a souvent été considéré comme le fossoyeur du western italien, le faisant basculer corps et âme dans la parodie et la gaudriole la plus « hénaurme ». Et ce qu'il y a de passionnant dans Quand les colts fument, on l'appelle cimetière , c'est que Carnimeo parvient à établir un équilibre subtil entre les figures « classiques » du western spaghetti (héros solitaire et taiseux, personnages cyniques et qui brouillent constamment les frontières entre le Bien et le Mal, luttes entre de braves citoyens et d'affreux racketteurs...) et un vrai fond comique.

Dès le début, les deux jeunes citadins sont confrontés à une petite mamie qui joue très bien du colt et qui donne une balle à un bébé en guise de tétine ! Il y aura ensuite des bagarres homériques qui rappellent celles des films du duo Hill/Spencer et des gags incongrus : les balles de « l'étranger » sont tellement précises qu'elles parviennent à tailler en pointe les moustaches d'un adversaire ! Quant au Duke (William Berger a une vraie « gueule » de méchant de western »), il parvient, après être venu à bout d'un dangereux mexicain, à fermer le couvercle du cercueil dans lequel il vient de tomber par une simple balle.

Carnimeo arrive avec un vrai talent à donner du relief à toute une galerie de personnages secondaires : les deux « péons » qui accompagnent les deux nigauds (on reconnaît l'étonnant Ugo Fangareggi), le fameux bandit mexicain pittoresque qui conserve une mèche de chacune de ses victimes à son chapeau, le fossoyeur, etc.

Mais cet aspect « BD » fantaisiste ne prend pas le pas sur une intrigue plutôt bien menée (malgré ses invraisemblances) et sur une mise en scène parfois joliment inventive. Je pense par exemple à ce superbe duel final où l'organisation des plans se fait autour d'une pièce en pleine rotation.

 

Les deux films de Giulianno Carnimeo méritent donc le détour essentiellement pour cela : parce qu'ils marchent en équilibre entre une certaine mythologie du western italien (incarné à merveille par Gianni Garko) tout en intégrant des éléments parodiques, bouffons et burlesques qui ne nuisent pourtant pas au plaisir d'un spectateur prêt à croire à ces aventures rocambolesques...

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