Chacun pour soi (1968) de Giorgio Capitani avec Klaus Kinski, Van Heflin, Gilbert Roland, George Hilton (Editions Artus Films)

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Parallèlement aux rééditions des pépites du cinéma fantastique de série B et Z, les éditions Artus proposent de temps en temps quelques raretés du film historique (Le livre noir d'Anthony Mann) ou des westerns. Après l'intéressant Fort invincible de Gordon Douglas, voici une curiosité italienne signée Giorgio Capitani dont ce fut l'unique western.

 

Chacun pour soi débute plutôt mal puisqu'on ne perçoit dans un premier temps que les défauts du genre : références appuyées au cinéma de Léone (la goutte d'eau qui tombe dans un seau et constitue une sorte de leitmotiv lancinant), mise en scène d'une rare désinvolture (zooms intempestifs qui filent le mal de mer, raccords foireux, caméra placée la tête en bas pour illustrer le point de vue du personnage couché sur un lit...). A moins d'être un inconditionnel du « western spaghetti » (notre camarade Vincent aura peut-être un mot à dire sur ce film), on commence la projection avec une grosse envie de fuir.

 

Puis les choses se calment et s'améliorent. Capitani prend le temps de planter l'action, de dessiner les contours de ses personnages. Il retrouve les sentiers plus classiques mais agréables du western hollywoodien et l'on songe énormément au classique de John Huston Le trésor de la Sierra Madre. Le film narre, en effet, les aventures de quatre chercheurs d'or cupides en quête d'un gros butin. A partir de ce fil directeur, ce sont les relations entre ces quatre aventuriers qui vont intéresser Capitani. D'un côté, il y a le vieux Sam et son protégé Manolo qu'il considère comme son fils (le duo Van Heflin et George Hilton) ; de l'autre, il y a un mystérieux homme blond (incarné avec la folie nécessaire par le grand Klaus Kinski) qui cultive des relations ambiguës avec Manolo et un ancien complice de Sam (Gilbert Roland). Tous les personnages se retrouvent liés soit par une solidarité « forcée » (des adversaires viennent contrecarrer leur projet), soit par des rivalités qui resurgissent du passé qui font planer constamment une atmosphère de suspicion sur l'équipée.

 

Ce sont donc ces liens qui font le sel d'un film qui, contrairement aux films américains, accentue le côté « sans foi, ni loi » de personnages luttant pour leurs seuls intérêts. Au point que celui qu'on croyait le plus cynique de la bande se révélera le seul à avoir un brin de compassion et le sens de l’entraide.

Mises à part quelques scories stylistiques, la mise en scène de Capitani s'améliore au fur et à mesure qu'avance le récit. Il délaisse les effets « western spaghetti » pour retrouver une certaine respiration en alternant les plans d'ensemble sur de grands espaces désertiques (passage obligé du western) et des scènes centrées sur les personnages mieux découpées. Citons par exemple une très belle séquence où l'un des hommes réalise que l'équipe risque de tomber dans une embuscade. Discrètement, ils effectuent alors (grâce à des gestes minutieux et des jeux de regards évocateurs) une sorte de chorégraphie de mouvements qui va leur permettre de préparer au mieux la parade. Quant éclate la fusillade, la mise en scène ne perd pas cette grâce chorégraphique et les plans se succèdent de façon harmonieuse et enlevée.

 

Tout n'est pas de cette trempe mais le casting improbable (entre vieux lascar du genre et jeune premier promis à un bel avenir) et les trognes des personnages font que l'on se laisse séduire sans trop de réticences.

Sans atteindre le niveau des (bons) films de Corbucci ou, a fortiori, de Léone, Chacun pour soi réjouira les amateurs du genre et distraira les néophytes curieux et pas trop exigeants...

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