Une poignée de salopards (1977) de Enzo G. Castellari avec Bo Svenson, Peter Hooten, Michel Constantin

 bof.jpg

-Ah non ! Non ! Et non ! Il n’en est pas question !

-Qu’est-ce qui vous arrive patron ? Pas question de quoi ?

-On m’a parlé de votre projet de faire une note sur un illustre inconnu italien…

-… Enzo G. Castellari ?

-Oui voilà ! Hors de question ! Vous avez vu vos chiffres ?

-Non. Ca ne va pas fort ?

-C’est le moins que l’on puisse dire ! Je vous ai tout passé, les innombrables notes sur Gérard Courant…

-Et ce n’est pas fini ! J’ai encore de nombreux DVD en retard ! Gérard, si tu passes dans le coin, je suis désolé et je ne t’oublie pas…

-Ne m’interrompez pas ! Cet été, vous vous êtes contenté de classiques poussiéreux mais je n’ai rien dit : je sais que certains de vos lecteurs ont les mêmes goûts que vous en la matière…

-Je ne sais pas comment ils vont le prendre…

-Blier, c’était pas mal pour la rentrée, surtout parce qu’il y a Dujardin et Dupontel à l’affiche et j’ai toléré votre film coréen (mon Dieu ! Coréen !) parce qu’il a un peu fait parler de lui au festival de Cannes; mais maintenant je vous demande d’arrêter avec vos simagrées, vos nanars antédiluviens et vos séries B italiennes…

-Mais Castellari est l’auteur de Keoma, un western-spaghetti qui jouit d’une assez bonne réputation chez les cinéphiles. Et puis, Une poignée de salopards, c’est un titre qui accroche, non ?

-Vous vous foutez de moi ! Ce n’est pas parce que ce titre français idiot fait allusion à la fois à Leone et à Aldrich que vous allez tromper les gens !

-Eh ! Vous avez quelques références pour un patron ! Ca vous préservera sans doute de vous retrouver un jour dans un quelconque ministère…

-Taisez vous et expliquez moi comment vous allez vendre votre nanar…

-J’ai un argument de choc, qui va vous laisser sans voix…

-J’attends…

-C’est le film dont Tarantino s’est inspiré pour réaliser Inglorious basterds !

-Ah ! Voilà qui est mieux… Les deux films se ressemblent-ils ?

-Pas du tout ! Tarantino n’a gardé que l’idée du groupe de mercenaires baroudeurs agissant en électrons libres pour aider les forces françaises. Chez Castellari, ce sont des déserteurs adeptes du système D (voir le chevelu kleptomane dont l’uniforme ressemble à l’imperméable de Harpo Marx tant il contient d’objets) et qui vont se faire enrôler pour participer à une mission périlleuse…

-Le film est une comédie ?

-Non, pas vraiment, mais certains passages (notamment celui où nos troufions tentent une approche peu discrète vers un groupe de naïades allemandes se baignant dans le plus simple appareil) sont censés être humoristiques et rapprochent le film de la septième compagnie…Pour le reste, c’est plutôt un film de guerre efficace, assez sympathiquement antimilitariste…

-Beaucoup d’action ? Là vous commencez à m’intéresser…

-Mhouais…

-Pourquoi ce ton dubitatif ? Ca ne vous plait pas, l’action ?

-Ce n’est pas ça mais je trouve que le film est entre deux eaux : d’un côté, il est correctement fignolé et le réalisateur a eu des moyens décents pour le mettre en scène. Du coup, on ne retrouve pas le charme ringard des séries Z bricolées avec deux bouts de ficelle. De l’autre, on reste dans du cinéma de consommation courante sans grande envergure : ni le grand spectacle à proprement parler (les explosions de maquettes finales font un peu « cheap »), ni le style de petits maîtres comme Freda ou Corbucci.

-Et vous comptez rameuter combien de lecteurs avec un film inconnu que vous-même ne défendez pas ?

-Je peux toujours essayer de glisser une allusion à Tarantino, dire qu’il est amusant de voir comment à partir d’un simple groupe de personnages et d’un récit basique, le cinéaste est parvenu à construire une œuvre complexe et ample, explorant toutes les pistes narratives entrouvertes par le film de Castellari.

-Je ne suis pas convaincu mais je vous laisse une dernière chance pour cette fois. Mais je veux que le prochain film chroniqué soit fédérateur, vous avez compris ?

-Une palme d’or thaïlandaise, par exemple ?

-No comment…

Retour à l'accueil