Piranhas (1978) de Joe Dante avec Bradford Dillmann, Heather Menzies, Barbara Steele (Editions Carlotta Films) Sortie en DVD le 5 juin 2013.

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Mes aimables lecteurs me pardonneront de débuter, une fois de plus, cette chronique par quelques considérations personnelles. Les plus fidèles d'entre vous auront compris, depuis le temps que je le rabâche, que j'ai été un grand fanatique du cinéma fantastique et d'horreur au moment de l'adolescence. J'étais alors d'une exigence somme toute assez relative et quelques meurtres commis et une atmosphère irréelle suffisaient alors à mon bonheur.

C'est à cette époque que j'ai découvert Piranhas, le film qui propulsa Joe Dante (alors frêle poulain de l'écurie Corman) sur le devant de la scène, et je dois vous avouer tout de go que je fus extrêmement déçu. Rien ne me satisfis, à l'époque, dans ce récit ultra-classique d'une communauté humaine soudainement attaquée par des piranhas mutants : ni le scénario, ni les personnages, ni les effets-spéciaux relativement sommaires.

 

Ce fut donc avec une certaine curiosité que je redécouvris l’œuvre de Dante. Paradoxalement, alors que mes critères de jugement extrêmement laxistes ont depuis longtemps disparu, je dois avouer que j'ai pris un grand plaisir à revoir Piranhas. Peut-être parce que je connais désormais mieux l’œuvre globale du cinéaste et que je suis en mesure de saisir les véritables enjeux de son film.

Piranhas est d'abord un hommage à la série B d'antan que Joe Dante connaît sur le bout des doigts mais également une relecture malicieuse et impertinente des Dents de la mer de Spielberg (le personnage principal féminin joue à un jeu vidéo intitulé Jaws au début du film). Dès la première séquence (un bain de nuit qui se termine en carnage), on saisit l'hommage à celui qui sera ensuite son mentor paradoxal (c'est Spielberg qui produira Les Gremlins).

 

Mais autant Spieberg reste, n'en déplaise à ses admirateurs de plus en plus nombreux, un cinéaste lisse et consensuel, autant Dante se montre déjà mordant (si j'ose dire!) et mal élevé. Sur un scénario relativement similaire à celui des Dents de la mer, il signe une œuvre à la fois plus méchante (les piranhas attaquent une colonie d'enfants et en boulottent quelques uns) et extrêmement critique. Sous les atours d'une série B conventionnelle (dont le scénario est néanmoins signé par le futur cinéaste John Sayles), Joe Dante se livre déjà à une satire féroce de l'Amérique et de ses institutions. Les militaires sont d'abord choisis comme cibles puisque ce sont eux qui ont commandité l'élevage de piranhas survivant en eaux douces afin de les utiliser comme arme de destruction massive au Vietnam. Ce sont ensuite les politicards véreux qui font les frais du jeu de massacre de Dante puisqu'ils ont couvert ces agissements et qu'ils n'hésitent pas non plus à polluer les rivières en toute impunité.

 

Il y a dans ce film une dimension satirique assez acide que je n'avais pas perçue plus jeune. Et si je reprochais il y a quelques semaines à Jean Douchet d'avoir trop insisté sur cette dimension à propos de Panique à Florida Beach, je dois admettre qu'elle est omniprésente ici.

D'un autre côté, Joe Dante rend aussi un certain hommage à la série B des années 50 en citant L'étrange créature du lac noir ou en offrant un second rôle à la divine Barbara Steele (un médecin au regard troublant).

 

Au bout du compte, c'est ce mélange entre une série B débraillée et un regard acerbe et corrosif sur la société américaine qui fait le charme et la singularité de Piranhas et, de manière plus générale, du cinéma de Joe Dante...

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