Intérieur d’un couvent (1977) de Walerian Borowczyk avec Ligia Branice, Marina Pierro

 

Je ne connais que peu de ses films mais Walerian Borowczyk est un cinéaste qui m’intéresse toujours. Inégal, sans doute (l’inspiration s’est, semble-t-il, un brin émoussée avec les années), mais qui ne laisse jamais indifférent même lorsqu’il se plante.

Pour ma part, je conserve une véritable tendresse pour les Contes immoraux, l’œuvre majeure qui l’a fait connaître et pour La bête, l’un des films érotiques les plus réussis qu’il m’ait été donné de voir (avec quelques œuvres de Franco, Rollin, Meyer et Brass). En revanche, j’ai le souvenir de m’être ennuyé en découvrant La marge avec Sylvia Kristel.

Sans parvenir à égaler les deux premières œuvres citées, Intérieur d’un couvent est un film que l’on peut légitimement classer parmi les réussites de Boro.

Comme souvent, le cinéaste part d’un matériau littéraire puisqu’il s’agit ici d’une adaptation d’un épisode des Promenades dans Rome de Stendhal. Le film est une chronique des mœurs libres d’un groupe de nonnes cloîtrées dans un couvent.

L’ambiance n’est pas tout à fait la même que dans les Dialogues de carmélites puisque les sœurs se révèlent plutôt dévergondées et que les objets du culte sont parfois détournés à des fins que seule ma proverbiale pudeur m’empêche de vous dévoiler. Sachez seulement que les amateurs de la vie des Saints seront moins comblés que les mateurs friands des mystères d’un autre genre de seins !

Le film séduit par un mélange de je-m’en-foutisme et de raffinement : à la beauté de certains plans où Boro laisse s’exprimer son goût pour le corps féminin et les visions à la lisière du surréalisme (la scène où la sœur se perce les mains avec la couronne d’épines du Christ) s’opposent quelques scènes bâclées, où la caméra est tenue à la main sans qu’on sache pourquoi.

A travers un scénario qui rappelle un peu celui des Diables de Ken Russell, Borowczyk poursuit une œuvre entièrement vouée dans un premier temps à faire reculer les limites des tabous et de la censure. La bête allait assez loin en présentant les amours contre-nature d’une belle jeune femme et d’une créature aussi monstrueuse que mythique. Après la zoophilie, le cinéaste s’attaquait ici à l’univers particulier des couvents qui a tant fait fantasmer les cinéastes de séries Z. Il ne s’agit pourtant pas d’une œuvre anticléricale mais davantage d’une charge contre toutes les oppressions. L’univers clos du couvent régi de main de fer par une abbesse acariâtre vaut pour tous les systèmes cloisonnés qui tentent de refouler les élans sexuels. En bon disciple de Reich, Boro montre comment le refoulement des désirs, des appétits sexuels conduit à la folie et à des instincts de mort.

C’est moins la religion (même si l’on perçoit ça et là une ironie mordante contre certains membres du clergé) qui est la cible d’Intérieur d’un couvent que cette volonté absurde de mettre la sexualité sous des fers, quels qu’ils soient (aujourd’hui, c’est le joug de l’économie et de la marchandisation des corps qui enchaînent le plus sûrement les désirs). A ce carcan étouffant, le cinéaste oppose une exaltation hédoniste du corps et du plaisir qui se traduit par des plans parfois très crus mais également une impression globale qui n’est pas réellement à « l’érotisme » tant les scènes sont relativement courtes et saisissent à la volée quelques détails charmants d’anatomies féminines fort croquignolettes (Boro a toujours su bien choisir ses actrices et on retrouve ici avec bonheur la très belle Marina Pierro qui tournera essentiellement pour son mentor même si elle ira s’égarer dans un mauvais Rollin La morte-vivante) en nous épargnant les traditionnelles scènes d’accouplements simulés qui sont le lot de ce cinéma et qui ne parviennent généralement qu’à nous assoupir.

Que la sexualité soit omniprésente sans être « programmée » pour apparaître toutes les dix minutes donnent un résultat assez étrange, à la fois très dynamique (le montage est plutôt astucieux) et éclaté (on ne s’attache pas spécialement à une nonne en particulier).

De ce panorama pointilliste des mœurs dissolues d’un couvent italien, il nous reste en mémoire la sensation d’un grand vent de liberté parvenant à faire tomber les murs de l’hypocrisie et de l’oppression.

Et l’envie de découvrir d’autres œuvres de Borowczyk, notamment les héroïnes du mal

 

 

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