Twixt (2011) de Francis Ford Coppola avec Val Kilmer, Bruce Dern

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C'est une chose entendue : Coppola a bel et bien rompu avec les grands studios hollywoodiens et cherche désormais à retrouver une certaine liberté en tournant des films qui lui tiennent à cœur en toute indépendance. Pour ma part, je n'ai pas vu L'homme sans âge et je n'ai pas été convaincu du tout par l'expérience de Tetro.

Bonne nouvelle : avec Twixt, le cinéaste vise moins à s'inscrire dans une veine « cinéma indépendant « arty » et esthétisant » qu'à renouer avec la série B fantastique de ses débuts. On pense énormément à Dementia 13 que le jeune Coppola tourna pour Roger Corman au début des années 60. Que les deux récits soient structurés autour d'un accident de bateau ne fait que renforcer cette troublante sensation.

 

Twixt narre les pérégrinations d'Hall Baltimore, un écrivain alcoolique de seconde zone (une sorte de « Stephen King au rabais », comme lui dit plaisamment le shérif) qui atterrit dans un bled paumé du nord de la Californie pour dédicacer son dernier ouvrage. Il rencontre sur place le shérif du lieu qui lui propose d'écrire un nouveau roman en s'inspirant d'événements mystérieux ayant secoué la région. Il sera donc question d'un massacre d'enfants, d'une jeune filles aux allures de vampire et d'une étrange communauté de jeunes gothiques suspectés de satanisme...

 

Soyons franc : la dimension « fantastique » de Twixt est plutôt ratée. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un scénario traité avec autant de désinvolture. Coppola se fiche éperdument de toute progression dramatique et n'affiche aucune volonté de captiver son spectateur par la création d'une atmosphère ou la naissance d'un quelconque suspense. Les (quelques) révélations sont attendues et les pistes narratives restent parfois à peine ébauchées (cette bande de jeunes gothiques qui, au bout du compte, n'a aucun rôle dans l'histoire) ou totalement bâclées.

Visuellement, le film n'est pas non plus inoubliable et si le cinéaste s'inscrit dans le genre du « conte gothique », il se révèle inférieur à ce que faisait Tim Burton il y a une quinzaine d'années.

 

Et pourtant, Twixt n'est pas un film négligeable : il parvient à nous séduire et même à nous toucher. Ça a beaucoup été écrit et, désormais, nul n'est censé ignorer que Coppola a perdu son fils. Du coup, il est facile de deviner ce que ce portrait d'un écrivain laminé par la mort de sa fille peut avoir de personnel.

On sait que la sincérité et le côté « vécu » d'une œuvre n'ont jamais été un gage de qualité. Ce que réussit pourtant Coppola, c'est de faire de son film un véritable tombeau à la mémoire de l'enfant perdu. Rien d'autre ne semble l'intéresser que d'invoquer les fantômes et de les faire revivre. Et il le fait en s’inscrivant dans la lignée de l'écrivain Edgar Allan Poe qui devient ici un véritable personnage de cinéma venant dialoguer avec Hall Baltimore (c'est amusant ce désir des grands cinéastes américains des années 70 de faire intervenir des artistes d'autrefois : Méliès chez Scorsese dans Hugo Cabret ou le musée Grévin de Woody Allen dans Minuit à Paris). L'apparition de Poe permet à Coppola de dialoguer avec la série B de Roger Corman (on pense à certain de ses films, notamment l'enterré vivant) mais également de faire sienne l'obsession du poète pour une figure féminine venant hanter constamment son œuvre. Ce sont moins le vampirisme et les fantômes qui l'intéressent qu'une volonté de faire de chaque image un mémorial. Ce que cette imagerie gothique pourrait avoir de déjà-vu se trouve ici habité par une sorte de fièvre romantique aussi maladive qu'émouvante (ce n'est pas pour rien qu'un des personnages récite du Baudelaire).

 

En sortant de la salle, le spectateur se dit que l'expression « grand film malade » a été inventée pour une œuvre comme Twixt. Tout y est bancal mais hanté, habité. Coppola a bâti un film entier pour faire resurgir du pays des morts le visage d'un enfant disparu.

Qu'importe les moyens, il y est parvenu. Et c'est pour ça qu'il mérite notre respect...

 

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