The ghost writer (2009) de Roman Polanski avec Ewan McGregor, Pierce Brosnan, Olivia Williams

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Une semaine après Shutter island de Martin Scorsese débarque sur nos écrans un nouveau thriller paranoïaque réalisé cette fois par Roman Polanski. Sans avoir lu les critiques du film  à proprement parler, il est amusant de constater que tous les papiers relatifs à The ghost writer  ne cessent de revenir sur les « coïncidences » entre cette œuvre de fiction et la réalité de la situation que vit le cinéaste en ce moment (l’assignation à résidence en Suisse et son incarcération).

Soudainement, la presse semble avoir du grain à moudre, s’emballe (voir l’effarante couverture de Télérama clamant que « Polanski défie l’Amérique » !) et se montre dithyrambique. D’une certaine manière, The ghost writer est une bonne affaire : un Polanski qui revient en forme (c’est indiscutable, nous allons y revenir) après quelques pâtés académiques sans le moindre intérêt (n’en déplaise à Michel Ciment !) comme Oliver Twist, une « thématique » assez lisible pour le moindre gratte-papier diplômé d’une quelconque école de journalisme (l’enfermement, la paranoïa…) et quelques allusions « critiques » pouvant se faire pâmer d’aise les consciences bien-pensantes de Libérockama (Pierce Brosnan est un frère jumeau de Tony Blair et Polanski parsème son film de piques anti-américaines)!  

 

A la lecture d’une introduction pareille, mon fidèle lecteur se dit, agacé, que je joue une fois de plus les rabat-joie aigri et que je m’apprête à démolir son film préféré de ce début de saison. Loin de moi cette idée ! J’ai aimé The ghost writer mais autant le film de Scorsese m’a scotché et m’a paru être un pur film de mise en scène (la traduction visuelle d’une construction purement mentale) ; autant le film de Polanski m’a semblé beaucoup plus « classique » et relevant davantage d’un scénario solidement écrit et charpenté (il est tiré d’un roman de Robert Harris) que d’une écriture cinématographique novatrice.

Il faut néanmoins nuancer un peu.

Prenons, pour commencer, un exemple précis : la scène d’ouverture est un beau morceau de mise en scène. Un ferry arrive à quai, les voitures débarquent sauf une qui s’avère être vide. Elle est remorquée et évacuée jusqu’au moment où Polanski raccorde avec un corps noyé qui s’échoue sur la plage, porté par les vagues. Sans le moindre dialogue et avec une économie de moyen remarquable, le cinéaste parvient à nous faire deviner cette mort mystérieuse et à nous plonger au coeur de son récit.

Est-il encore nécessaire de dire que ce mort était le nègre de l’ex-premier ministre britannique Adam Lang ? Et que le récit va se concentrer sur Ewan McGregor, jeune écrivain devant à son tour endosser cette défroque de « nègre littéraire » pour rédiger les mémoires de l’ex-homme d’état tandis que celui-ci est accusé, au même moment, d’avoir favorisé la torture de présumés terroristes en les livrant aux Etats-Unis ? Si oui, eh bien c’est fait et vous aurez eu une nouvelle fois l’occasion de vous esbaudir devant mon art consommé de la rhétorique !

 

Je disais donc que si le film reposait davantage sur les articulations habiles d’un scénario diaboliquement agencé, la mise en scène n’était pas totalement négligée et qu’elle nous offrait, de temps à autre, quelques beaux morceaux de bravoure. Je pense notamment à toutes les séquences, au trois quart du film, où notre écrivain se rend chez une vieille connaissance de Lang et se voit poursuivi jusqu’à un ferry. Pour ma part, ce sont vraiment les meilleurs moments du film et Polanski parvient alors à donner à son film une véritable tonalité hitchcockienne (la poursuite en voitures, l’arrivée sur le ferry, la chambre d’hôtel : tout cela est découpé et monté à la perfection).

En revanche, j’ai un peu éprouvé la sensation inverse que celle que certains ont eu à l’égard de Shutter island : j’ai trouvé que The ghost writter était assez long à se mettre en place et qu’il s’améliorait au fur et à mesure de la projection. Autant le cinéaste me semble assez fort lorsqu’il pénètre en plein cœur du cinéma de genre (les scènes que j’évoquais m’ont un peu rappelé son Frantic), autant il me paraît un peu laborieux lorsqu’il s’agit d’exposer une situation et d’y inclure un peu pesamment du sens à tout prix (le passé de Lang, l’inféodation de l’Angleterre aux Etats-Unis…). Si le film se suit néanmoins sans déplaisir, c’est que Polanski parvient à relever le caractère somme toute assez classique du récit par quelques trouvailles visuelles bienvenues : des jeux de regard d’un Ewan McGregor de plus en plus confiné dans sa prison de luxe vers les domestiques du lieu, le déclenchement de l’alarme qui soudain provoque la fermeture de portes et fenêtres, la sensation de claustrophobie qui envahit un personnage cloîtré dans la même petite chambre que son défunt prédécesseur… 

Tout cela donne au final un film habile et intéressant, suffisamment captivant pour qu’on vous le recommande ici mais qui, n’en déplaise aux commentateurs laudatifs, ne renoue que partiellement avec les grandes œuvres du cinéaste (que ça soit Cul-de-sac ou Répulsion)…

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