Une femme fidèle (1976) de Roger Vadim avec Sylvia Kristel, Nathalie Delon, John Finch

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Le seul talent de Roger Vadim aura été de se trouver au bon endroit au bon moment. Son cinéma a toujours été médiocre mais reconnaissons lui le mérite d’avoir découvert Bardot et d’avoir « senti » son époque en la lançant dans Et Dieu créa la femme (son seul film regardable aujourd’hui). Par sa façon de jouer, de s’exprimer, de bouger (le fameux « naturel » de BB), elle apporta un salutaire courant d’air frais au cœur d’un cinéma français de plus en plus rance. Et Vadim connut la gloire…

Le problème, c’est qu’il se contenta par la suite de recopier la même recette : des intrigues mélodramatiques sirupeuses (rustiques ou mondaines) pimentées de quelques scènes « coquines » (on n’ose parler d’érotisme tant tout cela reste d’une soporifique sagesse). Mais ce qui paraissait « torride » en 1956 et très en avance sur son époque va vite se révéler de plus en plus insignifiant (je ferais néanmoins une petite exception pour son psychédélique Barbarella que je n’aime pas beaucoup mais qui n’est pas méprisable).

Quand en 1976, Vadim nous refait le coup de corps enlacés devant un feu de cheminée, c’est peu dire qu’on se décroche la mâchoire à force de bâiller !

 

Non seulement le cinéaste applique les mêmes recettes mais il n’hésite pas à refaire les mêmes films. En 1987, il réalisera un « remake » américain d’Et dieu créa la femme qui est sans doute l’un des films les plus nuls qu’il m’ait été donné de voir !  Quant à cette Femme fidèle (nous lui préférons largement La femme infidèle de Chabrol !), on réalise très vite qu’il s’agit d’une adaptation à peine déguisée des Liaisons dangereuses de Laclos… que Vadim avait déjà porté à l’écran en 1960 (son navet avec Jeanne Moreau et Gérard Philipe).

L’action se situe cette fois au début du 19ème siècle (période Restauration) et l’on reprend l’idée du séduisant débauché qui parvient à la fois à séduire une très jeune damoiselle pour le compte d’une aristocrate vénale et une très prude épouse résidant chez sa tante.

De ce grand classique de la littérature française, Vadim ne fait strictement rien. Ou pour être plus précis, il fait ce qu’il a toujours fait : du cinéma de décorateur. Nous aurons donc de beaux costumes, de beaux décors et une succession de cartes postales tentant de donner un peu de chair et de vie à ce qui se veut sans doute un grand drame romantique. Le résultat est totalement grotesque, d’une sensualité à peu près égale à la vision d’un Brice Hortefeux en guêpière (je n’ai jamais eu l’occasion de voir ça mais j’imagine !).

L’interprétation est globalement calamiteuse. Si Nathalie Delon s’en tire avec son rôle de Madame de Merteuil (elle ne s’appelle pas ainsi dans le film mais c’est bien elle), le couple principal a la saveur d’un plat d’endives sans sauce. John Finch est une asperge moite au charisme de beignet (je pense que toutes ces métaphores culinaires viennent du fait qu’il est 20h15 et que je n’ai pas encore dîné !) tandis que par charité chrétienne nous n’accablerons pas la pauvre Sylvia Kristel qui a de bien jolis yeux…

Que Vadim ait cru bon d’engager l’inoubliable (hum !) héroïne d’Emmanuelle corrobore la première hypothèse que j’émettais en ce début d’article (vous suivez ?). Si notre bonhomme avait débuté 15 ans plus tard sa carrière, il est probable qu’il n’aurait été qu’un tâcheron oeuvrant dans l’érotisme aseptisé à la manière de l’ineffable Just Jaeckin.

Sa chance aura été d’avoir révélé Bardot (puis fait tourner Deneuve, Moreau, Birkin, Fonda et quelques autres) plutôt que Sylvia Kristel. Quand il fait tourner cette dernière 20 ans après Et Dieu créa la femme, on réalise que Vadim n’a finalement jamais été autre chose qu’un Just Jaeckin « soft » (et pour être plus soft que ce cinéaste, il faut être très fort !) et que le talent lui a (pratiquement) toujours fait cruellement défaut…  

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