Only God forgives (2013) de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling, Kristin Scott-Thomas

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Après son prix de la mise en scène à Cannes pour Drive, Nicolas Winding Refn fait désormais partie de ces cinéastes adoubés par la critique internationale et qui peuvent faire n'importe quoi et provoquer, malgré tout, des applaudissements.

J'avoue que je ne connais pas l’œuvre antérieure du réalisateur mais force est de constater qu'il reprend dans Only God forgives tous les éléments qu'on trouvait dans Drive en allant encore plus loin dans l'abstraction. Nous retrouvons donc Ryan Gosling, taiseux et expressif comme un parpaing, mais cette fois-ci, il dirige un club de boxe à Bangkok et se livre au trafic de drogue. Son frère va massacrer une jeune prostituée de 16 ans et ce crime odieux va enclencher une réaction en chaîne de vengeances et de meurtres...

 

Comme je l'avais souligné à propos de Drive, Winding Refn possède un indéniable talent de metteur en scène. L'atmosphère des premières séquences d'Only God forgives s'avère même assez intéressante : univers baignant dans des lumières rouges et des néons, lenteur hypnotique des travellings dans de mystérieux couloirs, travail brillant sur le cadre... On pense beaucoup au cinéma de Gaspar Noé (remercié au générique) sauf qu'on va réaliser très rapidement que le cinéaste danois ne retient de l’œuvre du français que ses tics les plus gratuits (Irréversible ou Enter the void sont des films peu aimables mais beaucoup plus réussis que celui-là!).

L'autre influence revendiquée du film, c'est celle de Jodorowsky. On devine que le cinéaste cherche à réaliser une oeuvre ésotérique qui fonctionnerait sur des symboles (les liens douloureux d'un jeune homme ayant tué son père et menant avec une mère ravagée -Kristin Scott Thomas méconnaissable- des relations ambiguës) et des images mentales. Sauf qu'il y a dans La montagne sacrée ou El Topo une dimension onirique, ludique et surréaliste totalement absente de ce film qui affiche constamment un sérieux papal qui le fait souvent sombrer dans le ridicule (l'impitoyable flic (?) qui chante des bluettes, Ryan Gosling qui hurle à sa copine d'enlever sa robe dans la rue parce qu'elle n'accepte pas son cadeau, etc.)

 

Au bout de cinq minutes, on a compris que Nicolas Wending Refn ne cherche que l’esbroufe et l’intimidation du spectateur. Pour compenser un récit anémique qui rappelle les plus sinistres heures de Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal (un mort, une vengeance qui appelle un autre meurtre et une autre vengeance...), il en rajoute dans la pose « auteuriste » et dans le hiératisme compassé. Mais il ne suffit pas de prendre comme héros un personnage mutique pour donner de la profondeur au récit. Plus gênant est, également, la complaisance qu'il affiche constamment pour la violence la plus hard. C'était déjà flagrant dans Drive mais il en rajoute encore plus ici : égorgement en gros plan, éventration, tortures ignobles (cette insoutenable séquence où un type se fait transpercer les mains, les jambes puis crever les yeux et le tympan!), fusillades sanguinolentes et tabassages multiples. Or la mise en scène, c'est aussi un certain sens de l'ellipse qui permet à l'esprit du spectateur de travailler, de reconstituer mentalement ce qu'il n'a pas vu et qui ne le contraint pas à être ficelé dans son fauteuil pour subir moult atrocités (et c'est un amateur du cinéma fantastique et « gore » qui vous dit ça!)

 

Ce n'est pas la violence qui me gêne en tant que telle mais le caractère totalement gratuit qu'elle revêt ici. Winding Refn se drape dans un esthétisme de façade pour masquer le vide incommensurable de son exercice de style. Après quelques minutes intrigantes, les procédés formels du cinéaste lassent et ennuient profondément.

Les défenseurs du film auront beau jeu d'avancer sa dimension « œdipienne » (la belle affaire ! Qu'en fait le cinéaste?) et de convoquer les ombres tutélaires de Lynch (alors que nous sommes davantage ici dans des procédés d'intimidation qui évoquent les pires moments d'Haneke ou Steve McQueen), de Kubrick ou d'Alain Resnais (mais dans L'année dernière à Marienbad, il n'y avait pas que de longs travellings dans des couloirs mais une passionnante méditation sur la mémoire et l'oubli).

Ce qui manque à Nicolas Winding Refn, c'est un véritable point de vue. Il se contente ici d'empiler quelques tics formels, de créer des ambiances branchouilles (il suffit de lire l'inénarrable Kaganski qui parle du «  nec plus ultra du film noir des années techno »!) et d'assommer le spectateur sous des flots d'hémoglobines.

Mais au bout du compte, il ne reste qu'un sentiment d'indigence et de vacuité...

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