Même les bûcherons ont un coeur...
Le grand Sam (1960) de Henry Hathaway avec John Wayne, Stewart Granger, Capucine, Fabian
Le cycle Hathaway se poursuit mais nous délaissons cette fois les ombres du films noirs pour retrouver les décors plus familiers du western. Le mot le plus adéquat serait d’ailleurs « Northern » puisque l’action du Grand Sam se situe entre Seattle et l’Alaska où Sam McCord (John Wayne) et son associé George Pratt (Stewart Granger) ont découvert de l’or.
Tandis que George construit sa demeure à proximité des mines, Sam est chargé d’aller chercher à Seattle la fiancée de son ami. Sauf que depuis trois ans, celle-ci l’a bel et bien oublié (« Ah ces femmes ! Pas une qui ait la franchise d’un cheval ! ») et s’est mariée. Du coup, Sam déniche une fille légère, la « frenchy » Michelle (Capucine), et décide de la ramener à George…
Une fois de plus, Hathaway prouve qu’il n’est pas un cinéaste exceptionnel mais un artisan parfaitement maître de ses outils et capable de nous concocter des divertissements sans fausse note. Le grand Sam séduit par la bonne humeur qui s’en dégage et la façon qu’a le cinéaste de mêler les registres, à la fois celui de l’aventure spectaculaire (avec d’homériques bagarres qui évoquent un peu celles de L’homme tranquille de Ford), du western (avec ses pionniers rustres, volontiers portés sur la bouteille mais droits dans leurs bottes), du marivaudage (le ressort dramatique du film est l’amour non avoué de Sam pour Michelle) et de la comédie.
L’humour et la bonne humeur dominent largement ce long-métrage qui s’ouvre et se clôture sur deux bagarres épiques où Hathaway n’a jamais été aussi proche du slapstick (les coups de poings sont amplifiés par des bruitages proches de ceux du dessin animé et les animaux – chiens, otaries, boucs…- prennent un part importante dans ces pugilats). A ce titre, le combat final dans la boue est resté un morceau d’anthologie.
L’humour passe aussi par les dialogues et la verve de ces cow-boys mal dégrossis mais tellement attachants. Toutes les attaques de John Wayne contre l’institution du mariage sont un vrai régal : « Ce qui est bien en Alaska, c’est que la région n’a pas encore été touchée par le mariage…Alors faisons en sorte que ce pays reste libre ! » Ou encore, lorsqu’il se demande ce qui pousse « une femme a faire le malheur d’un seul homme alors qu’elle pourrait faire le bonheur de beaucoup d’autres. »…
Même si nous restons encore dans le cadre d’un cinéma très classique et donc très « correct », le propos devient volontiers plus égrillard et les sous-entendus plus explicites. A ce titre, la scène où le jeune frère de George (joué par le rocker Fabian[1]) s’enivre et tente de séduire Michelle est assez désopilante car l’acteur, derrière ses fanfaronnades, traduit parfaitement les frustrations libidinales de l’adolescent paumé entre deux cow-boys au fond de l’Alaska.
L’ensemble est très agréable a regarder et parfaitement interprété : John Wayne plus rustre et drôle que jamais, Stewart Granger impeccable en comparse enamouré et qui va devenir le complice de Michelle pour faire avouer ses sentiments à son ami, Capucine adorable en petite française séduisante (on la retrouvera avec plaisir en Madame Clouseau dans le premier opus de La panthère rose) et Ernie Kovacs, le gandin escroc.
Une petite réserve quand même : le film dure près de deux heures et aurait sans doute gagné à être raccourci un peu. Mais ne boudons pas notre plaisir face à cette histoire de bûcherons reconvertis en chercheurs d’or : même ceux qui ne sont pas sensibles aux bourrades viriles et aux amitiés alcoolisées seront touchés par l’humour et la simplicité de ce récit haut en couleurs et chaleureux.
[1] Je demande d’ailleurs ici des précisions aux spécialistes du genre puisque Fabian est censé chanter une ballade dans Le grand Sam et que nous avons été privés de ce passage dans la version diffusée hier. Est-ce qu’il s’agit de cet extrait (qui ravira Vincent puisque la belle Capucine prend un bain !) et existe-t-il plusieurs versions du film ?